Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DISCOURS SUR LE PSAUME 67

LA PRÉDICATION ÉVANGÉLIQUE.

Ce chant est intitulé : Psaume du Cantique. Selon quelques-uns, Cantique désignerait la part de l’intelligence, Psaume l’exécution extérieure ; alors cantique serait plus général, et l’on devrait dire livre des Cantiques, ce qui n’a pas lieu toutefois. Le Christ s’est levé, les Juifs ses ennemis ont tremblé, puis ont été bannis des lieux où ils croyaient l’avoir vaincu ; pour les justes, au contraire, ils seront rassasiés. Chantez donc, ô justes, celui qui est ressuscité. Pour lui ouvrir les cœurs par la foi, vous aurez à souffrir, mais le Seigneur va délivrer les uns, ressusciter les autres d’entre vous, et habiter en vous quand vous n’aurez qu’une seule âme. Quand le Christ traversa les nations qui étaient alors un désert spirituel, les Apôtres qui sont des cieux et des montagnes firent tomber la rosée de la grâce par la volonté du Seigneur. La loi chez les Juifs était imparfaite ou laissait dans l’imperfection, mais le Seigneur l’a perfectionnée par la loi de grâce. Il a donné au peuple ancien la manne, au peuple nouveau l’Eucharistie. Avec la grâce le bien s’est fait par amour et non par crainte. De là ce verbe qui vient aux prédicateurs avec la force du bien-aimé, qui a enchaîné le démon, lui a repris ses dépouilles, distribué ses ministres pour la beauté de l’Église. Dormir entre les héritages serait dormir entre les deux Testaments, avoir l’indifférence pour la terre, la patience pour le ciel. Les saints sont les ailes de l’Église, qui portent au loin ses louanges. Chez la colombe argentée, il y a des rois ou plutôt des hommes qui ont un ministère différent, et qui obtiennent la rémission des péchés, Le Christ est la montagne fertile ainsi que la lumière, les Apôtres ne sont l’un et l’autre que par lui ; Dieu réside en eux, ils en sont le char glorieux. Ils accomplissent la charité qui résume tous les préceptes. Le Christ sans ses membres a reçu des dons pour les hommes, comme Dieu il nous fait des dons. La captivité qu’il captive désigne ceux qui embrassent le joug du Seigneur ; béni soit le Dieu du salut qui s voulu mourir afin de nous apprendre la résignation. Il brise la tête de ses ennemis en les amenant à la foi, en précipitant dans l’abîme les obstinés. En nous tournant vers le Seigneur nous deviendrons ses chiens par la fidélité et la prédication. Les traces du Seigneur ont été vues dans les vertus des vierges, la conversion de Paul, le courage des martyrs. Honte aux hérétiques qui cherchent à séduire les âmes faibles. Les pays lointains comme l’Éthiopie étendront leu maies vers lui, il nous rendra vainqueurs de la mort.


1. Le titre de ce Psaume ne semble point soulever de pénible discussion, il paraît au contraire simple et facile. Il porte, en effet : « Pour la fin, psaume du cantique, à David lui-même[1] ». Déjà dans plusieurs psaumes nous vous avons donné le sens de cette expression « Pour la fin » ; c’est que « le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront[2] », la fin qui perfectionne, et non qui termine ou qui détruit. Toutefois, si l’on veut s’appliquer à rechercher le sens de cette expression, « Psaume du cantique » : pourquoi n’est-il pas dit simplement ou Psaume ou Cantique, mais l’un et l’autre ? ou quelle est la différence entre Psaume du cantique, et Cantique du psaume, car nous voyons dans quelques psaumes de semblables titres ? on trouvera peut-être cette différence : nous abandonnons ce travail à certains esprits subtils et qui ont plus de loisirs que nous. Quelques-uns[3] avant nous ont assigné cette différence entre le cantique et le psaume, que le cantique est un chant oral, tandis que le psaume s’exécute sur un instrument visible qui est le psaltérion, et qu’alors le cantique serait l’œuvre mentale de l’intelligence, le psaume l’œuvre corporelle. Ainsi dans ce psaume soixante-septième, que nous entreprenons d’exposer, nous trouvons cette parole : « Chantez au Seigneur, chantez son nom sur vos instruments[4] » ; ils ont fait cette distinction : « Chantez au Seigneur », désignerait les divers sentiments qui occupent notre cœur et qui sont connus à Dieu, invisibles pour les hommes ; mais les bonnes œuvres doivent être en évidence pour les hommes, afin qu’ils glorifient notre Père qui est dans les cieux[5] ; c’est donc avec raison qu’il est dit : « Chantez le nom du Seigneur sur vos instruments », c’est-à-dire, publiez sa louange, que son nom se redise avec allégresse. Autant qu’il m’en souvienne, j’ai suivi moi-même ailleurs cette distinction. Je me rappelle que nous avons lu aussi : « Bénissez Dieu sur vos instruments[6] », car le bien que nous faisons d’une manière visible n’est pas agréable aux hommes seulement, mais à Dieu. Or, tout ce qui plaît à Dieu n’est pas toujours de nature à plaire aux hommes, qui souvent ne peuvent le voir. Aussi serions-nous

  1. Ps. 67,1
  2. Rom. 10,4
  3. Hilaire, prologue, sur les Ps
  4. Ps. 67,5
  5. Mt. 5,16
  6. Ps. 46,7-8