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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/87

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étonnés que l’on trouvât dans quelque autre endroit de l’Écriture : « Chantez son nom », comme nous y trouvons ces deux expressions : « Chantez Dieu et bénissez son nom sur vos instruments ». Si l’on trouve cette expression, nous avons perdu notre peine en assignant une différence. Ce qui m’étonne encore, c’est que généralement on dise des psaumes plutôt que des cantiques, au point que le Seigneur a dit : « Ce qui est écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes[1] ». On dit encore le livre des Psaumes, et non des Cantiques : « Comme il est écrit au livre des Psaumes[2] », est-il dit ; tandis que, d’après notre distinction, il semble qu’on devrait les appeler des Cantiques, car il peut y avoir cantique sans psaume, et non psaume sans cantique. Il peut y avoir en effet dans notre esprit des pensées dont les actes ne soient pas corporels ; mais il n’est aucun acte louable dont la pensée n’ait occupé notre esprit. Dès lors, tout psaume serait un cantique, mais tout cantique ne serait pas un psaume ; et pourtant, avons-nous dit, on emploie le nom générique de psaumes, non de cantiques, et l’on ne dit point livre des Cantiques, mais des Psaumes. Si l’on comprenait et si l’on discutait le sens des paroles où ce titre porte seulement « Psaume », et où il y a seulement « Cantique », non plus « Psaume du cantique », ainsi que dans le nôtre, mais « Cantique du psaume » ; je ne sais si l’on pourrait justifier cette distinction. Aussi, comme nous l’avions déjà fait, laissons-nous ces discussions à ceux qui peuvent s’y livrer, qui ont le loisir d’établir ces différences, et de les marquer de quelque point certain ; nous, et autant qu’il nous est possible, avec le secours de Dieu, examinons et exposons le texte du psaume.
2. « Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissipés[3] ». Ainsi a-t-il été fait ; le Christ s’est levé, lui, le Dieu suprême, béni dans tous les siècles[4], et les Juifs ses ennemis se sont dispersés dans toutes les nations, vaincus qu’ils étaient dans ces mêmes lieux où ils avaient sévi contre lui, et d’où ils étaient chassés dans l’univers entier : et maintenant ils haïssent encore, mais ils craignent, et sous le poids de cette crainte ils font ce qui suit : « Et que ceux qui le haïssent fuient devant sa face ». La fuite, pour l’âme, c’est la crainte. Car s’il s’agit d’une fuite corporelle, comment pourraient-ils fuir la face de celui qui montre partout l’effet de sa présence ? « Où irai-je devant votre esprit », a dit le Psalmiste, « et où fuir devant votre face[5] ? » C’est donc l’esprit en eux, et non le corps qui fuit ; c’est-à-dire qu’ils craignent sans pouvoir se cacher ; et s’ils fuient, ce n’est pas celle face qu’ils ne sauraient voir, mais celle qu’ils sont forcés d’envisager. Car on appelle sa face, sa présence au moyen de son Église. C’est pourquoi quand leur haine fit explosion, il leur dit : « Un jour vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel[6] ». C’est ainsi qu’il est venu dans son Église, la jetant sur tous les confins de la terre où ses ennemis sont dispersés. Or, il est venu sur des nuées semblables à celles dont il a dit : « Je commanderai aux nuées de ne plus vous donner de la pluie[7] ». « Que ceux qui le haïssent, fuient donc en sa présence » : qu’ils craignent la présence de ses saints et de ses fidèles, dont il a dit : « Ce que vous avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait[8] ».
3. « Qu’ils disparaissent comme la fumée[9] ». Des flammes de leur haine, il s’est élevé comme une vapeur d’orgueil ; ils ont opposé leur bouche au ciel[10], en criant : « Crucifiez-le, crucifiez-le[11] », ils ont insulté leur captif, l’ont raillé sur la croix : et bientôt ils ont disparu en vaincus de, ces mêmes lieux où ils s’étaient enflés de leur victoire. « Comme la cire fond devant la flamme, que les impies disparaissent devant le Seigneur ». Peut-être le Psalmiste a-t-il voulu désigner ici ceux dont l’endurcissement se fond dans les larmes de la pénitence : et toutefois on peut y voir encore une menace du jugement à venir ; car s’ils ont péri parce qu’ils se sont élevés comme la fumée, c’est-à-dire, enflés d’orgueil, ils ne peuvent espérer au dernier jour que la damnation, en sorte qu’ils disparaîtront pour toujours de sa présence, quand il se montrera dans tout son éclat, comme le feu qui est la lumière des justes et le châtiment des pécheurs.
4. Voici la suite : « Que les justes se rassasient, qu’ils tressaillent en la présence du « Seigneur, qu’ils s’abreuvent de ses joies[12] ».

  1. Lc. 24,41
  2. Act. 1,20
  3. Ps. 67,2
  4. Rom. 9,5
  5. Ps. 138,7
  6. Mt. 26,64
  7. Isa. 5,6
  8. Mt. 25,40
  9. Ps. 67,3
  10. Id. 72,9
  11. Jn. 19,6
  12. Ps. 67,4