Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et la grâce de Dieu était en lui. Et ses parents allaient chaque année à Jérusalem, au jour solennel de la Pâque. » Dira-t-on par hasard, qu’il est question ici des parents consanguins de Marie plutôt que de Joseph ? Mais que répondre à ce qu’a dit précédemment le même saint Luc : « Et son père et sa mère étaient dans l’admiration des paroles qu’ils entendaient à son sujet[1] ? » L’évangéliste rapporte lui-même que le Christ est né de Marie, sans nul concours de la part de Joseph ; en appelant néanmoins Joseph le père de Jésus, il nous autorise donc à le regarder comme le véritable époux de Marie, en dehors du commerce charnel et par le seul lien du mariage ; et d’ailleurs, dès là que son épouse a donné naissance à Jésus-Christ, n’en est-il pas aussi le père à bien meilleur titre que s’il l’avait simplement adopté ? D’où l’on voit clairement que quand saint Luc a dit : « Fils de Joseph, comme on le croyait », il a parlé pour ceux qui croyaient Jésus-Christ issu de Joseph, à la manière des autres hommes.

CHAPITRE II. COMMENT JÉSUS-CHRIST EST LE FILS DE DAVID, SANS DEVOIR SA NAISSANCE A JOSEPH FILS DE DAVID.

4. Quand même on pourrait établir que Marie est complètement étrangère au sang de David, la raison pour laquelle Joseph a été justement appelé le père de Jésus-Christ, serait déjà suffisante pour justifier le nom de fils de David donné au Sauveur. À combien plus forte raison ce nom lui convient-il, puisque l’Apôtre saint Paul, en disant que Jésus-Christ descend de David selon la chair[2], nous oblige à reconnaître la parenté de Marie elle-même avec David, Et comme l’Écriture relève aussi la famille sacerdotale de Marie, dans ce passage où saint Luc déclare qu’elle était parente d’Élisabeth, une des filles d’Aaron[3]; on doit admettre sans hésiter, que la chair de Jésus-Christ a été formée tout à la fois du sang des rois et du sang des prêtres ; du reste, l’onction mystique que ces rois et ces prêtres recevaient, chez les Hébreux, cette onction dont le nom Chrisma explique celui de Christ, était, bien des siècles d’avance, une figure manifeste de ce nom divin.

CHAPITRE III. POURQUOI SAINT MATTHIEU ET SAINT LUC DIFFÈRENT ENTRE EUX DANS L’ÉNUMÉRATION DES ANCÊTRES DE JÉSUS-CHRIST.

5. Saint Matthieu, en descendant de David à Joseph, et saint Luc, en remontant de Joseph à David, ne donnent pas les mêmes ancêtres à Jésus-Christ[4]. Mais c’est une difficulté qui n’a point d’importance : il est facile de la résoudre en faisant réflexion que Joseph a pu avoir un père adoptif, avec celui qui l’avait engendré[5]. Car c’était un antique usage, même chez le peuple de Dieu, d’adopter des enfants pour les rendre siens, sans leur avoir donné naissance. En laissant de côté, comme étrangère à ce peuple,- la fille de Pharaon qui adopta Moïse, nous voyons Jacob lui-même adopter, dans les termes les plus clairs, ses petits-fils, nés de Joseph : « Maintenant donc, dit-il, les deux fils que tu' as eus avant mon arrivée près de toi en ce pays, Ephraïm et Manassé, seront à moi comme Ruben et Siméon. Pour les autres que tu peux avoir dans la suite, ils seront à toi[6]. » C’est même de là qu’il y eut douze tribus en Israël, sans compter celle de Lévi attachée au service du temple : car il y en avait treize en la comptant, puisque Jacob avait eu douze fils. L’Évangéliste saint Luc a donc nommé comme père de. Joseph, non celui qui l’avait engendré mais celui qui l’avait adopté, et il a voulu rappeler les aïeux de ce père adoptif en remontant la suite des générations qui le séparaient de David. En effet, dès là que saint Matthieu et saint Luc, tous deux également véridiques, suivent nécessairement, l’un la ligne des ascendants de Joseph, et l’autre la ligne des ancêtres de son père adoptif, lequel des deux a dû tracer cette dernière généalogie, sinon l’évangéliste qui, en faisant connaître le père de Joseph, évite de dire qu’il a engendré son fils ? Dire que Joseph a été engendré par un homme dont il n’était pas issu, paraît moins convenable que de l’appeler le fils de quelqu’un qui l’avait adopté. Pour l’évangéliste saint Matthieu, en disant : « Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob », et en conservant ce terme engendra », jusqu’à ce qu’il vienne à Jacob père de Joseph, dont il dit également : « Jacob engendra Joseph ; » il montre d’une manière assez expresse qu’il a suivi la ligne des ancêtres directs de Joseph, et a nommé le père qui

  1. Luc. 2, 40,41,33
  2. Rom. 1, 3
  3. Luc. 1, 36,5
  4. Mat. 1, 1-16 ; Luc. 3, 22-38
  5. Rét. 2, 16
  6. Gen. 18, 5-6