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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/163

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a-t-il pu dire : « Pour moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans le Saint-Esprit »[1] ? En effet, s’il l’a connu seulement quand il a vu la colombe descendre sur lui, comment, d’après saint Matthieu, lui disait-il, avant d’être témoin de ce prodige, et dès qu’il le vit venir au Jourdain pour se faire baptiser : « C’est moi plutôt qui dois être baptisé par vous[2] ? » Il faut conclure qu’à la vérité Jean-Baptiste le connaissait avant la descente de la colombe, puisqu’il tressaillit même dans le sein maternel quand Marie fut venue visiter Élisabeth[3] ; mais que à son égard, il apprit par cet événement une chose dont il n’avait pas encore connaissance, c’est que Jésus seul baptiserait dans le Saint-Esprit en vertu d’une puissance personnelle et divine ; tandis qu’aucun homme après avoir reçu de Dieu le pouvoir de baptiser ne pourrait dire eu baptisant qui que ce soit : c’est mon propre bien que je te communique, ni : Je donne moi-même le Saint-Esprit.


CHAPITRE XVI. JÉSUS TENTÉ PAR LE DÉMON.

33. Saint Matthieu ajoute : « Alors Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert, pour y être tenté par le démon. Ayant donc jeûné quarante jours et quarante nuits il eut faim ; le tentateur s’approchant alors lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains. Et Jésus lui répondit : Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ; » et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Alors le diable le laissa, et aussitôt les anges s’approchèrent de lui et le servaient. » Saint Luc raconte également tout cela, mais dans un ordre différent ; de sorte qu’on ne voit pas ce qui s’est fait en premier lieu, si d’abord ont été montrés au Sauveur les royaumes de la terre et qu’ensuite il ait été transporté sur le pinacle du temple, ou si ce dernier fait a précédé, et que l’autre ait suivi. Mais peu importe dans quel ordre les choses soient racontées, pourvu qu’on fasse connaître qu’elles se sont toutes accomplies. Du reste, que saint Luc rende les mêmes pensées en d’autres termes, est-il besoin de rappeler toujours que cela ne nuit en rien à la vérité ? Quant à saint Marc, il atteste, lui aussi, que Jésus demeura au désert quarante jours et quarante nuits et y fut tenté par le démon ; mais il ne dit rien des paroles du démon, ni des réponses de Jésus. Cependant il n’a pas gardé le silence sur un point négligé par saint Luc, savoir que les anges vinrent servir le divin Maître[4]. Quant, à saint Jean, il a passé sous silence tout ce qui regarde cette tentation.

CHAPITRE XVII. VOCATION DES APÔTRES.

34. Le récit de saint Matthieu continue en ces termes : « Or Jésus ayant appris que Jean-Baptiste avait été jeté en prison, se retira en Galilée. » C’est ce que disent aussi saint Marc et saint Luc[5] excepté que saint Luc ne fait ici nulle mention de l’emprisonnement de Jean-Baptiste. D’après l’évangéliste saint Jean, avant la retraite de Jésus en Galilée, Pierre et André demeurèrent un jour avec lui et alors fut donné ce nom de Pierre au premier, qui s’appelait auparavant Simon. Le même dit encore que le jour suivant, comme Jésus voulait sortir et se rendre en Galilée, il trouva Philippe et lui commanda de le suivre ; il arrive de là à raconter aussi ce qui regarde Nathanaël ; puis il dit que le troisième jour, étant en Galilée, Jésus fit à Cana le miracle du changement de l’eau en vin[6]. Les autres évangélistes ont omis tous ces détails, quand après avoir rappelé la tentation du Sauveur ils ont parlé de son retour en Galilée. On doit donc comprendre qu’il y eut un intervalle de quelques jours durant lequel eut lieu ce que rapporte saint Jean au sujet des disciples. Mais ce qu’il dit de Pierre n’est pas en opposition avec le passage où plus loin saint Matthieu raconte que le Seigneur dit à l’Apôtre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai man Église[7]. » Car il faut croire que ce nom lui fut donné, non pas quand Jésus lui adressa les paroles que nous venons de citer, mais bien quand, d’après saint Jean, il lui parla ainsi Tu t’appelleras Céphas, c’est-à-dire Pierre ; » de sorte qu’en lui disant plus tard : « Tu es Pierre », il l’appelait par le nom que l’Apôtre portait déjà. En effet, s’il ne lui dit pas alors : Tu t’appelleras Pierre ; mais : « Tu es Pierre », c’est

  1. Jn. 1, 33
  2. Mat. 3, 14
  3. Luc. 1, 41
  4. Mat. 4, 1-11 ; Mrc. 1, 12,13 ; Luc. 4, 1-13
  5. Mat. 4, 12 ; Mrc. 1, 1,4 ; Luc. 4, 14
  6. Jn. 1, 39 ; 2, 11
  7. Mat. 16, 18