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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/164

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qu’il lui avait dit précédemment : « Tu t’appelleras. »

35. Après cela nous lisons dans le récit de saint Matthieu : « Et Jésus, ayant quitté Nazareth, vint habiter Capharnaüm, ville maritime sur les frontières de Zabulon et de Nephtali », et le reste, jusqu’à la fin du sermon sur la montagne. Saint Marc lui fait écho dans l’ordre et la suite du récit pour la vocation de Pierre et d’André, puis, un peu après, de Jacques et de Jean. Mais tandis que saint Matthieu, aussitôt après avoir parlé de la multitude des malades guéris par Jésus et des foules nombreuses qui le suivaient, s’applique à reproduire le long discours du Sauveur sur la montagne, saint Marc interpose d’autres détails ; à savoir, que Jésus enseignait dans la synagogue de Capharnaüm et qu’on était éperdument étonné de sa doctrine ; puis il remarque, comme saint Matthieu le fait après le grand discours sur la montagne, que Jésus enseignait comme ayant puissance et non comme les scribes et les docteurs de la loi. » Saint Marc raconte aussi l’histoire de cet homme qui fut délivré d’un esprit immonde, ensuite la guérison de la belle-mère de Pierre. Pour ces détails le récit de saint Luc s’accorde avec le sien[1]. Saint Matthieu n’a rien dit du possédé : il n’a parlé que plus loin de la belle-mère de Pierre[2].

36. Mais dans la partie de son récit que nous considérons maintenant, le même saint Matthieu, après avoir décrit la vocation des disciples auxquels Jésus ordonna d’abandonner leurs barques de pêcheurs et de le suivre, rapporte que le Sauveur parcourut la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant l’Évangile, guérissant toute sorte d’infirmités, et que se voyant entouré d’une grande multitude il gagna le haut d’une montagne où il fit son grand discours. Il donne ainsi lieu de comprendre que les choses rappelées par saint Marc après l’élection des disciples dont il s’agit, furent accomplies quand Jésus parcourait la Galilée et qu’il instruisait dans les synagogues ; qu’alors aussi fut guérie la belle-mère de Pierre ; mais qu’il n’a rapporté que plus loin ces événements, encore qu’il n’ait pas fait rentrer dans sa narration tout ce qu’il y avait omis précédemment.

37. Voici cependant une difficulté. D’après saint Jean, ce fut sur les bords du Jourdain, non en Galilée, qu’André s’attacha au Seigneur avec un autre dont le nom n’est pas cité ; que Jésus-Christ donna à Simon le nom de Pierre, et troisièmement qu’il appela Philippe à le suivre : tandis que d’après les trois autres Évangélistes, dont le récit se trouve ici complètement d’accord, d’après surtout saint Matthieu et saint Marc, André, Simon et les fils de Zébédée étaient occupés à pêcher sur la mer de Galilée lorsqu’ils furent appelés. Si en effet saint Matthieu et saint Marc rapportent qu’André était dans la même barque que Simon, saint Luc ne le nomme point, tout en donnant à entendre qu’il y était ; si de plus eux-mêmes n’exposent qu’en peu de mots l’événement, lorsque saint Luc le présente avec plus de détails ; car il rapporte l’histoire de la pêche miraculeuse et il nous montre le Seigneur adressant de la barque de Simon ses premières paroles à la multitude ; il n’y a là aucune opposition. Une autre différence serait que d’après saint Luc, le Seigneur dit, seulement à Simon Pierre : « Dès ce jour tu seras pêcheur d’hommes », et que suivant les récits de saint Matthieu et de saint Marc, il tient ce langage aux deux frères en même temps. Mais sans nul doute, il est possible que Jésus ait ainsi parlé d’abord à Pierre, surpris de la quantité de poissons qu’on venait de prendre ; puis à tous deux. Alors les récits se concilient facilement. Revenons donc et appliquons-nous à la difficulté offerte par le texte de saint Jean comparé à ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc. On peut la regarder en effet comme très-sérieuse ; puisqu’il y a une différence notable pour le temps, le lieu et le fait même de la vocation. Si c’est près du Jourdain, et avant le départ de Jésus pour la Galilée que sur le témoignage de Jean-Baptiste les deux disciples, dont l’un était André, suivirent le Sauveur ; si c’est alors, que conduit à Jésus par son frère André, Simon reçut le nom de Pierre : comment, d’après la leçon des autres Évangélistes, est-ce en Galilée que Jésus, les trouvant sur leurs barques de pêcheurs, les appela à devenir ses disciples[3] ? Mais il suffit de supposer que quand ils virent le Seigneur près du Jourdain, ils ne s’attachèrent pas à lui inséparablement, mais seulement commencèrent à le connaître, et retournèrent ensuite à leurs foyers, plein d’admiration polir sa personne.

38. Aussi bien le même saint Jean dit-il que les disciples de Jésus crurent en lui à Cana en Galilée, quand il changea l’eau en vin. Ce qu’il raconte en ces termes : « Or le troisième jour il

  1. Mat. 4, 13 ; 7, 29 ; Mrc. 2,16-31 ; Luc. 4, 31-39
  2. Mat. 8, 11,15
  3. Mat. 4, 13-23 ; Mrc. 1, 16-20 ; Luc. 5, 1-11 ; Jn. 1, 35-44