Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/256

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mal ? » c’est-à-dire que malgré cette chute et ces tourments, ses membres ne furent nullement brisés, il n’en ressentit aucune prostration, tandis que les démons en sortant d’un possédé lui laissent souvent les membres meurtris.

CHAPITRE III. DU NOM DE PIERRE.

4. Saint Marc continue : « Il vit venir à lui un lépreux, qui le suppliait, et, se jetant à genoux, lui disait : Si vous le voulez, vous pouvez me guérir », etc, jusqu’à ces mots : « Et ils s’écriaient : Vous êtes le Fils de Dieu, mais Jésus leur défendait, avec menace, de dire qui il était[1]. » Cette dernière phrase est reproduite à peu près textuellement par saint Luc, et sans aucune apparence de contradiction[2]. Saint Marc ajoute  : « Et gravissant la montagne il appela à lui ceux qu’il voulut ; et ils vinrent à lui, et il les réunit au nombre de douze pour les envoyer prêcher ; il leur donna aussi le pouvoir de guérir les maladies et de chasser les démons. Et il donna à Simon le nom de Pierre », etc, jusqu’à ces mots : « Et il commença à proclamer hautement dans la Décapole ce que Jésus avait fait pour lui, et tous étaient dans l’admiration[3]. » En suivant la narration de saint Matthieu, je me suis expliqué au sujet des noms des Apôtres[4]. Qu’il me suffise de le rappeler ici : ce serait une erreur de croire que c’est seulement à partir de ce jour que Simon porta le nom de Pierre ; ce serait contredire formellement ce passage de saint Jean : « Tu seras appelé Céphas, c’est-à-dire Pierre[5]; » où sont citées les expressions même du Seigneur. Saint Marc ne fait donc qu’une simple récapitulation quand il dit : « Et Jésus donna à Simon le nom de Pierre. » En effet il se proposait d’énumérer le nom de tous les apôtres, et par là même celui de Pierre ; alors il insinue brièvement que ce nom n’est pas celui qu’il portait précédemment, et qu’il lui fut imposé par le Seigneur, non pas à ce moment même, mais dans la circonstance que rapporte saint Jean. Le reste ne présente aucune contradiction et nous en avons déjà parlé précédemment.

CHAPITRE IV. DE LA PRESCIENCE DIVINE EN JÉSUS-CHRIST.

5. Nous lisons dans saint Marc : « Jésus étant repassé dans la barque à l’autre bord, comme il était auprès de la mer, une grande multitude de peuple s’assembla autour de lui », etc, jusqu’à ces mots : « Et les apôtres se réunirent à Jésus, et lui racontèrent ce qu’ils avaient fait et enseigné[6]. » Ce dernier trait est aussi reproduit par saint Luc sans aucune discordance[7] ; ce qui précède a été expliqué précédemment. Saint Marc continue : « Et Jésus leur dit : Venez dans un lieu écarté et reposez-vous un peu », etc, jusqu’à ces mots : « Or, plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient hautement, et leur admiration redoublant, ils disaient : Il a bien fait toutes choses, il a fait entendre les sourds et parler les muets[8]. » Saint Luc et saint Marc sont encore en ce point parfaitement d’accord, et tout ce qui précède a déjà été expliqué et confronté avec l’Évangile de saint Matthieu. Mais gardons-nous de voir dans les dernières paroles de saint Marc, la négation d’une vérité qui résulte de toutes les actions et des paroles du Sauveur, vérité proclamée par l’Évangile, à savoir que Jésus-Christ lisait, au fond des cœurs, les pensées et les volontés des hommes. En voici un témoignage explicite rendu par saint Jean : « Et Jésus ne se confiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous, et parce qu’il n’avait pas besoin qu’on lui rendît témoignage sur qui que ce fût, car il savait ce qui est dans l’homme[9]. » Et comment s’étonner qu’il eût connu les dispositions présentes des hommes, quand nous l’entendons prédire à saint Pierre une volonté qu’il n’avait assurément pas au moment même, celle de le renier, alors que Pierre attestait qu’il était prêt à mourir pour lui ou avec lui[10] ? Or, n’est-ce pas nier cette connaissance et cette prescience, que de dire avec saint Marc : « Il leur défendit de le révéler ; mais plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient hautement ? » Puisqu’il savait ; lui qui connaît toutes les pensées présentes et futures des hommes, que plus il leur défendrait d’en parler, plus ils en parleraient, pourquoi donc le leur défendait-il ? Il voulait sans doute montrer aux tièdes, à qui il prescrit de prêcher son nom, avec quel zèle et quelle ferveur ils doivent le prêcher, puisque ceux à qui il le défendait, ne pouvaient garder le silence.

  1. Mrc. 1, 40; 3, 12
  2. Luc. 4, 41
  3. Mrc. 3; 5,20
  4. Ci-dessus, 1. II, ch. XVII, LIII
  5. Jn. 1, 42
  6. Mrc. 5, 21, 6, 30
  7. Luc. 9, 10
  8. Mrc. 6, 31 ; 7, 37
  9. Jn. 2, 24-25
  10. Mat. 26, 33-35