lui-même, l’Évangile, aux maximes duquel il faut croire pour être justifié. « Séparé du troupeau, dit-il, pour l’Évangile de Dieu, qu’il avait promis auparavant par ses prophètes[1]. » Il y a eu en effet des prophètes, qui, sans être les prophètes de Dieu, nous ont laissé des oracles relatifs à Jésus-Christ et qu’ils chantaient après les avoir entendus, ainsi qu’il est rapporté de la Sybille même. Cependant je ne croirais pas cela facilement, si avant de dire, touchant l’apparition d’une ère nouvelle, des choses qui paraissent avoir assez d’harmonie et de conformité avec le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un des poètes les plus célèbres de Rome, n’avait commencé par écrire ce vers : « Il est enfin venu le dernier âge de l’oracle de Cumes[2]. » Personne ne saurait douter que cet oracle de Cumes ne soit un oracle Sybillin. L’Apôtre donc savait qu’on trouve dans les livres des Gentils des témoignages de ce genre en faveur de la vérité ; et dans les Actes des Apôtres, en parlant aux Athéniens, il en donne une preuve manifeste[3]. C’est pour cela qu’il ne dit pas seulement : « par ses prophètes » mais, afin que personne ne se laisse entraîner à quelque impiété par ces faux prophètes, en cédant à la séduction de certains témoignages rendus par eux à la vérité, il ajoute encore : « dans les saintes Écritures. » Il veut par là montrer que les livres des Gentils, remplis des superstitions idolâtriques, ne doivent pas être regardés comme saints, sous prétexte qu’on y trouve certaines choses qui se rapportent à Jésus-Christ.
4. Jésus-Christ Fils de Dieu et Fils de David. — L’Apôtre ne veut pas non plus que personne ait la pensée de mettre en avant certains prophètes inconnus et étrangers au peuple Juif, chez qui on ne trouverait aucune trace du culte des idoles, de celles du moins qui sont faites par la main des hommes ; car il n’est pas une erreur qui ne rende ses sectateurs idolâtres de ses illusions chimériques. L’Apôtre ne veut donc pas, que personne, produisant des prophéties de ce genre, déclare après y avoir montré le nom de Jésus-Christ, qu’elles sont véritablement les saintes Écritures et que ce titre n’appartient pas à celles qui ont été divinement confiées au peuple Juif. C’est pour cette raison qu’après avoir dit : « dans les saintes Écritures » il ajoute avec assez d’opportunité, ce me semble : « touchant son Fils, qui lui est né de la race de David, selon la chair[4]. » Car David a été certainement roi des Juifs ; et d’autre part, les Prophètes envoyés pour annoncer Jésus-Christ devaient sortir de la même nation d’où naîtrait un jour Celui qu’ils annonçaient.
De plus il fallait s’opposer d’avance à l’impiété de ceux qui ne reconnaissent, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, que la nature humaine dont il s’est revêtu, et qui ne voient en lui aucune divinité qui le distingue de l’universalité des créatures ; comme les Juifs eux-mêmes, qui ne considèrent Jésus-Christ que comme fils de David et qui ignorent sa grandeur souveraine, cette grandeur qui en tant qu’il est Fils de Dieu, le rend Seigneur de David même. De là vient en effet que, dans l’Évangile, il les réfute par une prophétie qui est sortie précisément de la bouche de David. Il leur demande : comment celui que David appelle son Seigneur, peut-il aussi l’appeler son Fils[5] ? ils auraient dû sans doute Lui répondre que par sa nature humaine il est fils de David, tandis que par sa nature divine il est Fils de Dieu et Seigneur de David même. L’Apôtre saint Paul le savait parfaitement et c’est pour cela qu’après avoir dit : « pour l’Évangile de Dieu qu’il avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, touchant son Fils qui lui est né, factus est, de la race de David » il ajoute : « selon la chair » : afin que l’on ne croie pas que la personne de Jésus-Christ tout entière ait commencé seulement avec sa naissance corporelle. Ainsi en ajoutant : « selon la chair » il a conservé à la divinité sa dignité suprême, qui n’appartient ni à la race de David, ni aux créatures angéliques, ni aux descendants des plus excellentes créatures, quels qu’ils soient, parce qu’elle est le Verbe même de Dieu, par qui toutes choses ont été faites. Or ce même Verbe s’est fait chair, de la race de David, et il a habité parmi nous[6] ; il ne s’est pas changé et transformé en chair, mais il a voulu, par une raison de convenance, se montrer aux hommes charnels revêtu lui-même d’une chair. C’est pourquoi l’Apôtre a distingué son humanité de sa divinité, non seulement par ces expressions « selon la chair » mais aussi par ces mots. « Oui a été fait, factus est. » Car il n’a pas été fait en tant qu’il est le Verbe de Dieu ; c’est par Lui au contraire que toutes choses ont été faites ; et il n’est pas possible que celui par qui toutes choses ont été faites, ait été fait lui-même avec le
- ↑ Rom. 1, 1-2
- ↑ Virg. Egl. 4, 4.
- ↑ Act. 17, 28.
- ↑ Rom. 1, 3
- ↑ Mt. 22, 45
- ↑ Jn. 1, 3, 14