Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/395

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injurieuses, on outragerait uniquement celui qu’on aurait présent à l’esprit par suite de la réponse entendue, et dans ce cas toute la question serait de savoir si la chose elle-même, quelque nom qu’on lui ait donné, doit être respectée, ou niée, ou méprisée. D’après le même principe, si on demandait ce que c’est que Jésus-Christ, et que la réponse fit entendre des choses qui se rapportent non pas au Fils de bien, mais plutôt au Saint-Esprit ; si de plus, après cette réponse on prononçait des blasphèmes, on serait regardé comme ayant dit une parole non pas contre le Fils, mais contre le Saint-Esprit.

15. Est-il bien sans remède ? — Mais si nous lisons légèrement et sans attention le texte suivant : « Si quelqu’un a parlé contre le Saint-Esprit, cette parole ne lui sera remise ni en ce monde ni en l’autre[1] » pouvons-nous trouver un homme à qui Dieu ait accordé la rémission de ses péchés ? Car ceux qu’on nomme païens, ne pouvant plus employer les tortures et les supplices, poursuivent encore aujourd’hui de leurs paroles pleines d’injures et d’outrages tous les dogmes de notre Religion ; et chacune des vérités que nous enseignons sur la Sainte-Trinité elle-même, est par eux démentie et blasphémée avec mépris. Car ils n’exceptent pas le Saint-Esprit pour l’entourer de leurs respects, tandis qu’ils s’attaquent aux deux autres personnes ; ils poursuivent à la fois des cris furieux de leur impiété, autant du moins qu’ils en ont le pouvoir tout ce que nous disons avec une attention scrupuleuse, touchant la triple Majesté Divine. Ils n’ont pas, à l’égard de Dieu le Père lui-même, des pensées conformes à sa divinité suprême puisque, parmi eux, les uns nient absolument son existence ; les autres, tout en la reconnaissant, mêlent tant d’erreurs à cette croyance, que ce n’est plus à lui, mais à leurs propres inventions qu’ils rendent leurs hommages. À plus forte raison aiment-ils mieux, suivant leur coutume impie, tourner en dérision ce que nous disons du Fils de Dieu et du Saint-Esprit, que de s’unir à nous pour adorer l’un et l’autre avec piété. Et cependant, autant que nous le pouvons, nous les exhortons à apprendre à connaître Jésus-Christ et, par lui, à connaître Dieu le Père ; nous les portons avec ardeur à se déclarer soldats du Monarque suprême et véritable ; nous les invitons à recevoir la foi, en leur promettant le pardon de tous leurs péchés passés. Ainsi donc nous jugeons assez que, lors même qu’ils auraient dans leurs superstitions sacrilèges, dit des paroles contre le Saint-Esprit, ils en obtiendront indubitablement la rémission, quand ils seront devenus chrétiens. Il y a plus : saint Étienne, qui était rempli du Saint-Esprit lorsqu’il fut lapidé par les Juifs, témoigne combien ceux-ci étaient opposés au Saint-Esprit. D’ailleurs tout ce qu’il dit contre eux lui a été dicté par ce même Esprit, et il leur dit en termes très clairs : « Vous avez toujours résisté au Saint-Esprit[2]. » Cependant au nombre et pour ainsi dire dans les mains de ces Juifs qui résistaient au Saint-Esprit et qui lapidaient saint Étienne, son temple, précisément parce qu’il était rempli de ses dons, se trouvait l’apôtre saint Paul, qui gardait leurs vêtements ; et plus tard il s’adressait lui-même à ce sujet des reproches amers et en versant des larmes de repentir, lorsque rempli à son tour de ce même Esprit auquel il avait fait d’abord une résistance insensée, il était prêt à être lapidé pour soutenir ce qu’avait prêché sa victime. Que dire des Samaritains ? Ne sont-ils pas tellement opposés au Saint-Esprit, qu’ils font tout effort pour anéantir les prophéties qu’il a inspirées ? Et néanmoins Notre-Seigneur témoigne de la possibilité de leur salut, quand il parle, soit à ce lépreux guéri qui revint seul pour rendre grâces, quoiqu’il fût Samaritain[3] ; soit à cette femme qu’il rencontra sur le bord d’un puits à la sixième heure ; soit enfin aux habitants mêmes de Samarie qu’elle amena à la foi[4]. Après l’Ascension de Notre-Seigneur, avec quelle joie pour les saints, Samarie ne reçut-elle pas la parole de Dieu, ainsi qu’il est rapporté dans les Actes des Apôtres ? Et lorsque saint Pierre reprocha à Simon le magicien de s’être formé du Saint-Esprit une opinion si détestable et d’avoir demandé à l’acheter à prix d’argent, s’imaginant qu’il était une chose vénale, l’apôtre néanmoins ne désespéra point de lui jusqu’à lui ôter tout moyen d’obtenir son pardon ; il l’avertit même avec bonté de se repentir[5]. Enfin l’Église catholique elle-même dont l’autorité est d’un si grand poids, l’Église qui est devenue par le don du Saint-Esprit, la mère de tous les saints et qui nourrit tout l’univers du lait de sa doctrine, l’Église a-t-elle jamais ôté à aucun hérétique ou à aucun schismatique l’espoir de sa

  1. Mt. 12, 32
  2. Act. 8, 51
  3. Lc. 17, 15-16
  4. Jn. 4, 7-42
  5. Act. 8, 9-12