sa gloire et non la leur. Mais comme ces hommes charnels et orgueilleux s’irritent et se croient outragés lorsqu’on rappelle quelque souvenir de leur vie passée, ils jugent des Apôtres d’après les dispositions de leur propre cœur. Pierre, Jacques et Jean étaient les plus honorés du collège apostolique, car c’est à eux que se montra le Seigneur sur la montagne, lorsqu’il voulut donner une idée de son royaume, et six jours après avoir dit : « Il y en a ici, parmi ceux qui m’environnent, qui ne goûteront point la mort sans avoir vu le Fils de l’homme dans le royaume de son Père[1]. » Cependant ils n’étaient pas des colonnes, ils le paraissaient seulement. Ah ! Paul savait que la Sagesse s’était bâti une demeure et qu’elle avait établi, non pas trois colonnes mais sept[2] ; nombre mystérieux qui rappelle soit l’unité qui règne entre les Églises ; car sept est souvent pris pour le tout, comme dans ce passage de l’Évangile : « Il recevra dans ce siècle sept fois autant[3] » ce qui revient à ces mots : « N’ayant rien et possédant tout[4] » et comme lorsque saint Jean écrit aux sept Églises en qui se personnifie l’Église universelle[5] ; soit aux sept opérations de l’Esprit-Saint, car ces opérations de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science, de piété et de crainte de Dieu[6], sont comme les sept colonnes qui soutiennent la demeure du Fils de Dieu, c’est-à-dire l’Église.
14. Cotisations des communautés chrétiennes. – « Seulement nous devions nous souvenir des pauvres, ce que je me suis aussi appliqué à faire[7]. » Tous les Apôtres s’étaient chargés en commun du soin des pauvres fidèles qui étaient dans la Judée et qui avaient déposé à leurs pieds le prix de leurs biens après les avoir vendus[8]. Quand donc Paul et Barnabé furent adressés aux Gentils, ils durent exciter les Églises de la Gentilité, qui n’avaient pas vendu leurs biens, à venir en aide à celles qui s’en étaient dépouillées. Écoutez ce qu’il dit aux Romains : « Maintenant je vais aller à Jérusalem pour servir les saints ; car la Macédoine et l’Achaïe ont trouvé bon de faire quelques collectes pour les pauvres des saints qui sont à Jérusalem. Or il leur a plu ainsi, et elles leur sont redevables ; car si les Gentils sont entrés en partage de leurs biens spirituels, ils doivent leur faire part aussi de leurs biens temporels[9]. »
15. Réprimande de saint Paul à saint Pierre. Saint Pierre plus admirable ici que saint Paul. – Saint Paul n’était donc tombé dans aucune dissimulation, car il observait partout ce qu’il croyait convenable soit aux Églises des Gentils soit aux Églises des Juifs ; ne détruisant point une coutume, quand elle n’était pas un obstacle au royaume de Dieu, et recommandant seulement, dans le cas même où pour ménager les faibles il voulait qu’on gardât un usage, de ne pas mettre l’espoir du salut dans ce qui n’y contribuait pas. C’est ainsi qu’il écrit aux Corinthiens : « Un circoncis a-t-il été appelé ? Qu’il ne se donne point pour incirconcis. Est-ce un incirconcis qui a été appelé ? Qu’il ne se fasse point circoncire. La circoncision n’est rien, 1'incirconcision n’est rien ; mais l’essentiel est d’observer les commandements de Dieu. Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé[10]. » Saint Paul ne voyait ici que des usages ou des états de vie qui ne font obstacle ni à la foi ni aux bonnes mœurs ; car si un brigand avait été appelé au Christianisme, il ne s’ensuivrait pas qu’il dût rester brigand. Mais saint Pierre étant venu à Antioche, saint Paul lui reprocha, non pas de se conformer aux usages des Juifs, puisqu’il était né et avait été élevé parmi eux, et pourtant il ne les observait point parmi les Gentils ; mais de vouloir les imposer à ces derniers lorsqu’il vit arriver quelques frères envoyés par Jacques, c’est-à-dire venus de la Judée, puisque Jacques, était le chef de l’Église de Jérusalem. Redoutant en effet ceux qui plaçaient encore le salut dans ces observances, Pierre se séparait des Gentils et feignait de se conformer aux Juifs pour assujettir les Gentils à ces servitudes. C’est ce que révèlent suffisamment les termes mêmes de la réprimande. Après avoir dit : « Si tout Juif que tu es, tu vis à la manière des Gentils et non en Juif » il n’ajoute pas en effet : Comment reviens-tu encore aux usages des Juifs ; mais : « Comment forces-tu les Gentils à judaïser ? » S’il lui adressa cette réprimande en public, c’est qu’il y fut contraint pour guérir ainsi tout le monde. Quel besoin de relever en secret une faute propre à nuire au grand nombre ? Ajoutez à cette considération que le caractère ferme et la charité de Pierre, à qui le Seigneur avait dit jusqu’à trois fois : « Pierre, m’aimes-tu ?
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