bien avant la Loi. Mais les adversaires de l’Apôtre ne sauraient nier la justification d’Abraham ; ils sont donc obligés de reconnaître que ce ne sont pas les œuvres de la Loi qui justifient l’homme, mais la foi ; et nous, nous devons admettre, à notre tour, que tous les anciens qui ont été justifiés l’ont été par, la foi également. D’ailleurs si la foi qui nous sauve embrasse aujourd’hui le passé, ou le premier avènement du Sauveur, et l’avenir, ou son second avènement ; les anciens pour être sauvés croyaient également tout ce que nous croyons, seulement ils voyaient dans l’avenir ce double avènement que leur montrait l’Esprit-Saint. Voilà pourquoi il est dit encore : « Abraham a désiré voir mon jour, il l’a vu et il s’est réjoui[1]. »
24. La Loi destinée à humilier le peuple Juif[2]. – Voici maintenant une question assez nécessaire : Si c’est la foi qui justifie et si les anciens justes qui se sont sanctifiés devant Dieu se sont sanctifiées par la foi, était-il besoin de donner la Loi ? L’Apôtre propose ainsi l’examen de cette question. « Qu’est-elle donc ? » demande-t-il ; et après cette question il répond aussitôt : « La Loi a été établie à cause des transgressions, jusqu’à l’arrivée du rejeton à qui était destinée la promesse et qui a été remis par les Anges, dans les mains du Médiateur. Or il n’y a pas de Médiateur pour un seul, et Dieu est seul. » Ce qui prouve plus clairement que ce Médiateur est Jésus-Christ fait homme, ce sont ces autres paroles du même Apôtre : « Il n’y a qu’un Dieu et qu’un Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ fait homme[3]. » Entre Dieu et Dieu il ne peut donc y avoir de médiateur, puisqu’il n’y a qu’un Dieu ; et s' « il n’y a pas de médiateur pour un seul » c’est qu’un médiateur doit tenir le milieu entre deux au moins. Les Anges n’étant point déchus du bonheur de voir Dieu, n’ont pas besoin de médiateur pour se réconcilier avec Lui. Quant aux Anges qui d’eux-mêmes et sans y être exilés par personne ont péché et sont déchus, il n’y a pour eux ni réconciliation, ni médiateur par conséquent. Mais le diable étant intervenu avec son orgueil pour inspirer l’orgueil à l’homme et pour le faire tomber, il faut que le Christ intervienne avec son humilité pour nous pénétrer d’humilité et pour nous relever. Car si le Fils de Dieu avait voulu demeurer exclusivement dans cette égalité parfaite que sa nature lui donne avec son Père, sans s’anéantir en prenant une nature d’esclave[4] il ne serait point devenu médiateur entre, Dieu et les hommes, attendu que la sainte Trinité ne forme qu’un seul Dieu en trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit, avec la même divinité, la même éternité, une égalité parfaite. Comment donc le Fils unique de Dieu est-il devenu médiateur entre Dieu et les hommes ? C’est quand, tout Verbe de Dieu et tout Dieu qu’il est dans le sein de Dieu, iia abaissé jusqu’à notre humanité su majesté divine et relevé la bassesse humaine jusqu’à sa divinité ; pour être médiateur entre Dieu et les hommes, il fallait qu’il devint l’homme élevé par la divinité au-dessus de tous les hommes. Aussi est-il par sa nature le plus beau des enfants des hommes, sacré d’une onction de joie qui l’élève au dessus de tous ses frères[5]. Et pour guérir de l’orgueil de l’impiété, pour se réconcilier avec Dieu, il a suffi d’aimer avec foi et d’imiter avec amour cette humilité du Christ, soit avant qu’elle eût pari et quand la révélation la faisait connaître, soit depuis qu’elle s’est produite et que l’Évangile la publie. Cependant, comme cette justice de la foi n’était point accordée aux hommes à cause de leur mérite, mais à cause de la miséricorde et de la grâce de Dieu, elle n’était point populaire avant que le Dieu fait homme naquît au milieu des hommes. Mais « le Rejeton, la postérité, semen, à qui s’adresse la promesse » désigne ici le peuple même, et non pas ces justes si rares qui tout en connaissant cette justice d’avance et par révélation, y trouvaient leur salut sans pouvoir faire le salut du peuple. A la vérité, si on considère l’univers, tout l’univers, car c’est dans tout l’univers que l’Église moissonne pour former la céleste Jérusalem, le nombre des élus est petit, attendu qu’il y a peu de mortels pour suivre l’étroite voie ; cependant en réunissant ensemble tous ceux qui ont pu et qui pourront exister au sein de toutes les nations depuis le commence de la prédication de l’Évangile jusqu’à la fin des siècles, en y ajoutant encore les saints en très petit nombre qui avant même le premier avènement du Seigneur ont trouvé par leur foi en lui, par leur foi toute prophétique, le salut que donne la grâce, on verra rempli de saints l’heureux empire de l’éternelle cité. Pourquoi en effet ce peuple orgueilleux a-t-il été soumis au fardeau de la Loi ? C’est qu’incapable de recevoir la grâce de la charité sans être
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