Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/416

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remis sous la main du Médiateur ? Car on ne saurait exprimer combien ils ont profité de cette faveur. Quelles sont en effet, parmi les Gentils, les Églises qui ont vendu leurs biens pour en déposer le prix aux pieds des Apôtres, comme l’on fait si promptement tant de milliers de Juifs[1] ? Il ne faut pas avoir égard au grand nombre de ceux qui se sont montrés infidèles à la grâce ; ne voit-on pas toujours sur l’aire beaucoup plus de paille que de froment ? D’ailleurs à quoi s’appliquent, sinon à la sainteté qui a paru chez les Juifs, ces autres paroles du même Apôtre aux Romains ? Mais quoi ! s’écrie-t-il, « Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Non, sans doute ; car je suis moi-même Israélite, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, ce peuple qu’il a connu dans sa prescience[2]. » L’Apôtre veut-il élever l’Église de Thessalonique au dessus des autres Églises de la Gentilité ? Il dit que les Thessaloniciens sont devenus semblables aux chrétiens de la Judée, attendu que, comme ceux-ci de la part des Juifs, ils ont eu à souffrir beaucoup pour la foi de la part de leurs concitoyens[3]. A cela se rapporte aussi ce passage, que je viens de rappeler, dans l’Épître aux Romains : « Si les Gentils ont participé aux richesses spirituelles des Juifs, ils doivent aussi leur faire part de leurs biens temporels[4]. » C’est donc des Juifs qu’il dit ici : « Avant que vînt la foi, nous étions sous la garde de la Loi, qui nous tenait en réserve pour cette foi qui ne fut révélée que plus tard. » S’ils se sont trouvés si rapprochés, s’ils ont eu si peu à marcher pour s’unir à Dieu en vendant tous leurs biens comme le Seigneur l’a ordonné à qui voudrait devenir parfait, ils le doivent à cette Loi qui les avait sous sa garde, et qui les tenait en réserve pour cette foi » jusqu’à la prédication de cette foi qui ne s’est révélée que plus tard ; » car c’était la crainte d’un seul Dieu qui les tenait ainsi en réserve. Si de plus ils ont enfreint cette Loi, ç’a été non pas pour le mal mais pour l’avantage de ceux d’entre eux qui ont cru : en voyant leurs plaies plus profondes, ils ont soupiré plus vivement après le Médecin et l’ont aimé avec plus d’ardeur ; car il aime beaucoup, celui à qui on remet beaucoup[5].
27. Les Chrétiens enfants de Dieu[6]. – Ainsi donc la Loi nous a conduits vers le Christ. »C’est la même pensée que dans ces mots : « Nous étions sous la garde de la Loi, tenus par elle en réserve[7]. – Mais la foi nous étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue. » Voici des reproches, à l’adresse de ceux qui annulent la grâce du Christ, qui veulent que l’on demeure sous la tutelle du pédagogue, comme si le Christ n’était pas venu en affranchir. Il ajoute que tous ceux qui ont la foi sont enfants de Dieu, parce que tous ceux qui ont reçu le baptême du Christ sont revêtus du Christ lui-même ; c’est pour empêcher les Gentils de se décourager pour n’avoir pas été sous la garde du pédagogue, et de se figurer qu’ils ne sont pas' enfants de Dieu. De plus, en disant que ceux qui se revêtent de Jésus-Christ deviennent enfants de Dieu, il rappelle qu’ils ne le sont ni par nature, comme le Fils unique ; qui est aussi la Sagesse de Dieu ; ni par le privilège incomparable qui unirait à la Sagesse de manière à ne former avec elle qu’une seule et même personne, comme lui est uni le Médiateur sans l’action d’aucun intermédiaire ; ils le deviennent seulement en participant à la Sagesse divine, comme les y prépare et comme le leur accorde la foi au Médiateur ; grâce de la foi que l’Apôtre appelle un vêtement quand il dit que tous ceux qui croient sont revêtus du Christ. C’est donc ainsi qu’ils deviennent les enfants de Dieu et les frères du Médiateur.
28. Diversité des conditions et unité de foi dans l’Église[8]. – Cette foi n’établit aucune différence entre Juif et Gentil, esclave et homme libre, homme et femme ; car en tant que fidèles tous sont un en Jésus-Christ. Or, si telle est l’union établie par la foi qui nous rend justes durant cette vie ; combien ne sera pas plus parfaite et plus intime cette même union lorsque nous serons en présence de la réalité et que nous verrons face à face[9] ? Maintenant en effet, quoique nous ayons les prémices de l’Esprit, qui nous fait vivre de la justice de la foi ; comme notre corps est mort à cause du péché[10], si la différence de nationalité, de condition ou de sexe disparaît dans l’unité de la foi, elle subsiste dans les rapports de la vie mortelle ; et les Apôtres commandent d’en respecter l’ordre pendant notre pèlerinage. Ils tracent même des règles salutaires de conduite qui déterminent les rapports de nationalité, entre Juifs et Gentils ; les rapports de

  1. Act. 4, 34
  2. Rom. 11, 1, 2
  3. 1 Thes. 2, 14
  4. Rom. 15, 27
  5. Lc. 7, 43-47
  6. Gal. 3, 24-27
  7. Gal. 3, 23
  8. Id. 28,2
  9. 1 Cor. 13, 12
  10. Rom. 8, 23, 10