Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/417

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condition, entre maîtres et serviteurs ; les rapports de sexe, entre époux et épouses, et autres rapports de nature semblable. Le Seigneur même n’a-t-il pas dit avant eux : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu[1] ? » Autres en effet sont les devoirs qui nous sont communs à tous dans l’unité de la foi, et autres les devoirs qui maintiennent l’ordre dans cette vie, où nous sommes voyageurs, et que nous observons pour détourner les blasphèmes du nom et de la doctrine de Dieu. Ce n’est pas seulement par crainte de la colère que nous les observons et pour ne pas blesser les hommes ; c’est aussi par motif de conscience, en sorte que notre conduite n’est ni simulée ni destinée à plaire au regard des hommes ; mais nous agissons, avec un amour pur et sincère, en vue de Dieu qui veut sauver tous les hommes et les amener à la connaissance de la vérité[2]. Tous donc, dit l’Apôtre, vous – êtes un en Jésus-Christ. » Il ajoute : « Or, si c’est ainsi » c’est-à-dire : « Si vous êtes un en Jésus-Christ ; » et il conclut : « Donc vous êtes la postérité d’Abraham. » Voici sans interruption le sens de la phrase entière : Vous êtes un en Jésus-Christ : or, si vous êtes tous un en Jésus-Christ, il s’ensuit que vous êtes tous la postérité d’Abraham. Il a remarqué précédemment qu’en parlant de la postérité du patriarche l’Écriture n’emploie pas le pluriel, mais le singulier, pour mieux désigner, le Christ[3]. Ici encore pour désigner le Christ il emploie le singulier ; main dans le Christ il.necomprend pas seulement la personne même du Médiateur, il voit encore l’Église dont le Christ est le chef parce qu’elle est son corps. C’est ainsi que tous sont un dans le Christ et méritent par leur foi l’héritage promis au Christ. Aussi bien, répétons-le, c’est à cette foi qu’ils étaient réservés, puisque, jusqu’à ce qu’elle fût prêchée, le peuple Juif était comme sous la garde du pédagogue, et attendait l’âge convenable où devaient être affranchis de la tutelle de ce pédagogue tous les membres de ce peuple qui étaient appelés selon les desseins de Dieu, c’est-à-dire qui étaient comme le froment au milieu de cette aire immense.
29. Les Gentils asservis à la nature[4]. – Dans le même dessein il ajoute : « Je dis de plus : Tant que l’héritier est enfant, il ne diffère point d’un serviteur, quoiqu’il soit maître de tout ; mais il est sous des tuteurs et des curateurs jusqu’au temps marqué par son père. C’est ainsi que nous-mêmes, quand nous étions enfants, nous étions asservis aux éléments de ce monde. » On peut se demander ici comment cette comparaison peut s’appliquer aux Juifs, comment ils étaient asservis aux éléments de ce monde, puisque, d’après la Loi qui leur fut donnée, ils ne devaient adorer qu’un seul Dieu, le Dieu créateur du ciel et de la terre. Mais on peut expliquer autrement ce passage, et admettre qu’après avoir représenté un peu plus haut la Loi comme un pédagogue[5] auquel était soumis le peuple Juif, l’Apôtre donne maintenant le nom de tuteurs et de curateurs aux éléments du monde dont les Gentils étaient esclaves. Dans cette hypothèse, le jeune héritier ou le peuple tiré des Juifs et des Gentils dont une même foi fait l’unique postérité d’Abraham, aurait été, durant son enfance, du côté des Juifs, asservi au pédagogue ou à la Loi, et du côté des Gentils, soumis aux éléments de ce monde comme à des tuteurs et à des curateurs. Bien que l’Apôtre se mette ici en scène, puisqu’au lieu de dire : Lorsque vous étiez enfants, vous étiez asservis aux éléments de ce monde, il dit : « Lorsque nous étions enfants, nous étions asservis aux éléments de ce monde » ce ne serait pas pour désigner les Juifs, mais plutôt et par exception les Gentils ; il peut d’ailleurs se mêler à eux très convenablement, puisqu’il a reçu mission de leur prêcher l’Évangile.



30. Affranchissement et adoption dus au Fils de Dieu[6]. – L’Apôtre ajoute qu’une fois arrivée la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils pour affranchir l’héritier encore enfant, asservi, d’un côté, à la Loi comme à un pédagogue, et d’autre part, aux éléments de ce monde comme à des tuteurs. « Dieu, dit-il, a envoyé son Fils, formé d’une femme. » Femme ici se prend pour une personne du sexe ; c’était l’usage chez les Hébreux. Quand il est dit que de la côte d’Adam « Dieu forma une femme[7] » on n’ira pas croire qu’Eve avait déjà eu alors des – rapports charnels avec Adam ; il est écrit d’ailleurs qu’elle n’en eut qu’après qu’ils furent l’un et l’autre chassés du paradis[8]. Si saint Paul dit que le Fils de Dieu a été formé, c’est en vue de son union avec la nature humaine : bien que les enfants ne naissent pas de Dieu au moment où ils naissent de leurs mères, Dieu ne les forme pas moins, comme il forme toute créature, pour

  1. Mt. 22, 21
  2. 1 Tim. 2, 4
  3. Gal. 3, 16
  4. Id. 4, 1-3
  5. Gal. 3,24
  6. Id. 4, 4-5
  7. Gen. 2, 22
  8. Id. 4, 1