qui sont sous sa main, ne font rien à son insu ou malgré lui, dans la sphère même de l’activité qu’il leur a laissée. Cependant il ne les récompense pas de ce qu’ils sont les instruments de sa justice, il considère l’esprit qui les anime : c’est que d’une part Dieu n’a pas refusé la liberté à la créature raisonnable, et que d’autres part il conserve dans sa main le pouvoir de faire entrer les injustes mêmes dans les plans de sa justice. Souvent, dans nos autres ouvrages, nous avons donné à cette idée de plus amples développements[1]. Ainsi donc, que les Gentils aient adoré le soleil, la lune, les étoiles, le ciel, la terre et autres choses semblables, ou bien qu’ils aient adoré les démons, on a raison de dire qu’ils étaient asservis à des tuteurs et à des curateurs.
33. Difficulté[2]. – Cette interprétation paraît claire ; mais ce qui suit va la remettre en question. Saint Paul nous montre, dans tous le cours de son Épître, qu’il n’y avait, pour tourmenter la foi des Galates, que des Juifs convertis, et que ceux-ci cherchaient à les amener aux observances légales comme si leur salut y était attaché. Voici le seul passage où il semble supposer qu’il s’agissait de retourner aux superstitions des Gentils. « Mais maintenant que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments, auxquels vous voulez vous asservir de nouveau, comme autrefois ? » En effet, comme il s’adresse, non pas aux Juifs circoncis, mais aux Gentils, ainsi qu’on le voit dans toute l’Epître ; en leur disant : « Comment retournez-vous ? » il n’a pas en vue la circoncision, puisque jamais ils n’avaient été circoncis, mais les faibles et pauvres éléments auxquels ils veulent s’asservir de nouveau, comme autrefois. » Une autre preuve qu’il s’agit ici des Gentils, c’est qu’il vient de leur dire à eux-mêmes : « Autrefois, à la vérité ; ignorant Dieu, vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne sont pas des dieux[3]. » Est-ce donc à cette servitude que selon lui ils veulent retourner quand il dit : « Comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments auxquels vous voulez vous asservir de nouveau, comme autrefois ? »
34. Solution possible[4]. – Les paroles suivantes : « Vous observez certains jours, certains mois, certaines années, certains temps ; je crains pour vous d’avoir en vain travaillé parmi vous » semblent appuyer encore ce sentiment. On sait en effet que quand il s’agit d’entreprendre quelque chose ou d’attendre soit des événements qui marquent dans la vie, soit l’issue de quelque affaire, les Gentils se laissent aller partout à la faiblesse de tenir compte des jours, des mois, des années et des temps que : signalent les astrologues et les Chaldéens. Peut-être cependant n’est-il pas nécessaire de voir signalé ici cet égarement des Gentils, ce qui serait nous écarter tout-à-coup et sans raison sérieuse, me semble-t-il, du sujet que traite l’Apôtre depuis le commencement jusqu’à la fin de son Epître. Ne vaut-il pas mieux voir ici un des désordres dont il travaille, dans toute cette lettre, à détourner les Galates ? Car les Juifs aussi observent servilement certains jours, certains mois, certaines années et certains temps, lorsqu’ils observent charnellement le sabbat, les néoménies, le mois des fruits nouveaux et cette septième année qu’ils nomment le sabbat des sabbats. Ces pratiques n’étaient que des ombres de l’avenir ; conséquemment elles devinrent superstitieuses lorsque après l’avènement du Christ on les observait encore comme des pratiques salutaires et sans savoir à quoi les rapporter. L’Apôtre alors semblerait dire aux Gentils : Que vous sert d’avoir rompu les chaînes qui vous retenaient dans l’esclavage lorsque vous étiez asservis aux éléments du monde, puisque vous vous jetez dans une servitude semblable, séduits que vous êtes par ces ignorants qui ne connaissent point encore à quelle époque ils ont été affranchis, et qui se rendent esclaves des temps comme des observances légales qu’ils comprennent d’une manière trop charnelle ? Vous voulez donc, vous aussi, vous asservir comme vous l’étiez autrefois, et observer avec eux les jours, les mois, les années et les temps dont vous étiez esclaves avant même de croire au Christ ? Il est clair en effet que le cours du temps se règle sur les éléments de ce monde, le ciel et la terre, le mouvement des astres et leur situation respective. Si l’Apôtre les appelle faibles, c’est qu’ils changent sans cesse d’aspect, incapables de se maintenir toujours au même état ; s’il les dit pauvres, c’est que pour se conserver ce qu’ils sont ils ont besoin de la puissance souveraine et immuable du Créateur.
35. Éviter les observances superstitieuses. – Au lecteur de choisir celui des deux sentiments qu’il voudra ; mais, qu’il le comprenne bien, il y a pour l’âme un danger si redoutable<ref>
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/420
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée