Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/434

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l’Apôtre : « Ne nous lassons point, dit-il, en faisant le bien ; car nous moissonnerons sans nous lasser lorsque le temps sera venu. Ainsi donc, pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, surtout à ceux qui sont de la famille de la foi. » Quels sont ceux qu’il désigne ici, sinon les chrétiens ? A tous en effet nous devons souhaiter la vie éternelle, mais nous ne pouvons rendre à tous les mêmes devoirs de charité.
62. Lâcheté des faux docteurs[1]. – Après avoir enseigné que les œuvres réellement salutaires de la Loi, c’est-à-dire les œuvres morales, ne peuvent s’accomplir qu’avec l’amour spirituel et non pas avec la crainte servile, l’Apôtre revient à ce qui fait le sujet de toute cette Épître : « Vous voyez, dit-il, quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main. » C’est par crainte qu’en publiant une lettre sous son nom on ne vienne à duper les simples. Il ajoute : « Ceux qui vous poussent à vous faire circoncire sont des hommes qui veulent plaire selon la chair et qui n’ont en vue que de ne pas souffrir persécution pour la croix du Christ. » Les Juifs en effet persécutaient à outrance ceux qui paraissaient abandonner leurs traditions d’observances charnelles. L’Apôtre montre combien peu il les redoute en écrivant cette lettre de sa propre main ; mais il indique en même temps combien la crainte a d’influence sur ces esclaves des pratiques légales qui poussent les Gentils à se faire circoncire. – « Et eux qui se font circoncire, ne gardent pas la Loi. » Par cette Loi qu’ils ne gardent pas il entend ici celle qui défend de tuer, de commettre l’adultère, de faire de faux témoignage, et qui renferme les autres prescriptions évidemment relatives à la morale ; car, nous l’avons déjà dit, on ne saurait l’accomplir qu’autant que l’on a la charité, et l’espérance de ces biens éternels que fait connaître la foi. – Ils veulent vous faire circoncire, poursuit saint. « Paul, pour se glorifier en votre chair ; » c’est-à-dire, non seulement afin d’échapper aux persécutions des Juifs, qui ne souffraient pas qu’on livrât la Loi à des incirconcis, mais encore afin de se glorifier devant eux de faire de nombreux prosélytes ; car les Juifs, pour faire un seul prosélyte, auraient sillonné la mer et la terre, leur disait le Sauveur[2]. – « Pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n’est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m’est crucifié et moi au monde. — Le monde, m’est crucifié » il ne peut rien sur moi ; « Et moi au monde, n je ne tiens pas à lui ; en d’autres termes encore : Le monde ne saurait me nuire et moi je n’ai rien à désirer de lui. Or, quand on se glorifie de la croix du Christ, on ne cherche pas à plaire en vue d’avantages naturels, car on ne craint pas les persécutions des hommes charnels, qu’a endurées le premier jusqu’à mourir sur la croix, Celui qui a voulu donner par là un grand exemple à ses disciples.
63. La créature nouvelle[3]. —« La circoncision n’est rien, ni l’incirconcision. » C’est toujours la même indifférence où l’on doit être relativement à cette pratique. On ne doit donc pas croire qu’il y a eu dissimulation dans l’Apôtre lorsqu’il a fait circoncire Timothée, ni qu’il y en aurait si pour ce motif il consentait à laisser circoncire quelqu’un encore. Ce n’est pas la circoncision en elle-même, c’est l’espoir qu’on y met pour le salut, qui nuit aux croyants. On voit en effet, dans les Actes des Apôtres, des Juifs pousser à la circoncision en prétendant que sans ce moyen les Gentils devenus chrétiens ne pouvaient parvenir au salut[4].ainsi ce n’est pas dans l’acte en lui-même, c’est dans ferreur qu’on on y attache, que l’Apôtre voit du danger. « La circoncision n’est rien, ni l’incirconcision, mais la créature nouvelle. » Nouvelle créature désigne ici la vie nouvelle que donne la foi en Jésus-Christ. Cette expression est à remarquer ; car il serait difficile de voir désigner sous ce nom de créature ceux-mêmes qui par la fois ont déjà devenus les enfants adoptifs de Dieu. Cependant l’Apôtre dit également ailleurs : « Si donc quelqu’un est uni à Jésus-Christ, il est une créature nouvelle ; les choses anciennes ont passé : voilà que tout est devenu nouveau, et ce tout vient de Dieu[5]. » Mais quand il écrit : « Et la créature elle-même sera affranchie de la servitude de la corruption » en ajoutant ensuite : « Non seulement elle, mais c nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit[6] ; » saint Paul distingue les fidèles de ce qu’il appelle la créature. C’est ainsi que tantôt il dit qu’ils sont des hommes et tantôt qu’ils n’en sont pas. N’est-il pas vrai que par manière de reproche il dit, quelque part aux Corinthiens qu’ils sont des nommes ? Voici ses paroles : « N’êtes-vous pas des hommes et ne vous conduisez-vous pas en hommes[7] ? » C’est ainsi encore

  1. Gal. 6, 11-14
  2. Mt. 23, 15
  3. Gal. 6, 15-16
  4. Act. 15, 1
  5. 2 Cor. 5, 17, 18
  6. Rom. 8, 21, 23
  7. 1 Cor. 3, 3-4