lui couper la barbe. Ce n’était pas condescendre, c’était exciter à se venger. Je crois en effet, mes frères, qu’il est plus honteux pour Hercule d’avoir été rasé que d’avoir eu la tête tranchée. Cette barbe qu’ils lui avaient donnée par erreur, il l’a donc perdue avec ignominie pour eux. On nomme Hercule le dieu de la force et toute sa vigueur est dans sa barbe. Pour son malheur il a voulu trop briller : cet éclat n’était pas une lumière divine, ce n’était que du bois.
7. Que les païens se taisent donc, qu’ils reconnaissent enfin de quel Dieu parlent les fidèles quand ils disent : « Seigneur, qui est semblable à vous ? Ne demeurez ni dans votre silence ni dans votre douceur. » J’avais entrepris de montrer de quelle manière il ne garde point sa douceur ; ce n’est pas en détruisant les hommes, mais en détruisant les erreurs. Ne conserver pas la douceur, c’est s’irriter ; la conserver, c’est prendre compassion. Mais Dieu s’irrite et compatit en même temps : il s’irrite pour frapper, il compatit pour guérir ; il s’irrite pour tuer, il compatit pour rendre la vie ; et c’est sur le même homme qu’il agit si diversement. Il ne perd pas les uns et ne ressuscite pas les autres, c’est envers les mêmes hommes qu’il montre sa colère et sa douceur ; sa colère contre les égarements, sa douceur quand on s’est corrigé. « C’est moi qui frapperai et moi qui guérirai moi qui tuerai et moi qui ferai vivre. [1]. » N’est-ce pas ce qu’il a fait dans la personne de Saut, devenu plus tard l’Apôtre Paul ? Ne l’a-t-il pas renversé et relevé ; renversé infidèle et relevé fidèle ; renversé persécuteur et relevé prédicateur ? N’est-ce point parce qu’il s’irrite, qu’Hercule est dépouillé de sa barbe ? Ici Dieu a agi par le ministère de ses fidèles, de ses chrétiens, des puissances qu’il a établies et qui déjà portent le joug du Christ. Aussi, mes frères, considérez cet évènement avec plaisir et comptez qu’avec le secours du Seigneur tout désormais réussira mieux encore.
SERMON XXV. LE BONHEUR DANS L’ÉVANGILE[2].
ANALYSE. – En expliquant le verset qu’il a pris pour texte, Saint Augustin semble se proposer de faire connaître quel est, le bonheur que promet l’Évangile. – I. Il y a cette différence essentielle entre la loi ancienne et la nouvelle loi, que l’ancienne promettait des biens temporels, tandis que la nouvelle recommande par-dessus tout les biens spirituels de la grâce. Aspirer à ceux-ci, n’est-ce pas échapper à la servitude où jettent ceux-là et s’assurer en quelque sorte le bonheur de l’impeccabilité ? – II. C’est aussi adoucir les maux inséparables de cette vie. L’homme en effet ne peut se mettre à l’abri, complètement au moins, ni des douleurs physiques, ni des souffrances morales que font endurer les méchants, ni des secousses du combat intérieur. Mais l’Évangile lui inspire la résignation et la paix et il s’assure l’éternel bonheur en y tenant ses regards attachés. – Que cet espoir nous détermine à imiter la charité de Zachée.
1. Nous avons dit, en chantant les louanges de Dieu : « Heureux l’homme que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi. » N’est-ce pas ici le divin Évangile, et Zachée répandant ses aumônes ? Écoutez. La loi de Dieu est-elle préférable au saint Évangile ? Le prophète que vous avez entendu lire a dit de la loi du nouveau Testament : « Voilà que les jours viennent, déclare le Seigneur, et j’établirai un nouveau Testament sur la maison de Jacob ; non pas comme le Testament que j’ai donné à leurs pères en les tirant de la terre d’Égypte[3]. » C’était le Testament promis, il est aujourd’hui accompli ; promis par un prophète ; il est accompli par le Seigneur des prophètes. Lisez et connaissez ce Testament qu’on, appelle l’Ancien. En même temps aussi Dieu donna une loi ; lisez-la ou écoutez-la lire et sachez les promesses qu’elle contenait. À la terre elle promettait une terre où coulaient le lait et le miel, une terre pourtant. Mais si nous pénétrons le sens spirituel, comme en ce pays n’ont jamais coulé le lait et le miel, il est une autre terre où en jailliront les flots ; c’est la terre dont il est parlé ainsi : « Vous êtes mon espoir, mon partage dans la terre des vivants ; [4] » par opposition à celle-ci, laquelle est la terre des mourants. Vous cherchez du lait et du miel ? « Goûtez et « voyez combien le Seigneur est doux[5] ! » Ces noms de lait et de miel désignent sa grâce, qui plaît