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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/211

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SERMON XLVII. LE TROUPEAU DU SEIGNEUR.[1].

ANALYSE – Ce discours a été prononcé le lendemain du précédent ; et dans Saint Augustin, comme dans le prophète Ézéchiel, il en est comme le développement et la suite. On peut y distinguer également deux parties : – I. Le châtiment dont sont menacées les brebis infidèles. – 1° Implorons avec larmes la miséricorde de Dieu, écoutons sa parole avec docilité, car il viendra sûrement nous juger ; et pour être admis à la récompense promise aux bons, il est nécessaire d’avoir une conscience pure. – 2° Ce qui provoquera d’abord la colère de Dieu, ce sont les scandales donnés aux faibles soit par les paroles, soit par les actions coupables. 3° Un autre motif de condamnation sera d’avoir, comme les Donatistes, absolument inexcusables, rompu et poussé à rompre l’unité. – II. Comment échapper à la vengeance divine ? – 1° Nous attacher intimement à Jésus-Christ, l’unique et divin Pasteur descendu du ciel pour nous y conduire. – 2° Être fidèles au testament de paix et d’unité qu’il a laissé au genre humain racheté par lui. – 3° Là nous trouverons les bénédictions célestes, la délivrance de nos maux, l’édification des païens, et la pleine jouissance de Dieu même.


1. Les paroles que nous avons chantées expriment ce que nous sommes, les ouailles de Dieu, et ce n’est point sans raison que nous implorons avec larmes la miséricorde de ce divin Pasteur. « Pleurons devant le Seigneur qui nous a formés, avons-nous dit, car il est lui-même le Seigneur notre Dieu. Ne désespérons pas d’ailleurs d’être exaucés par lui quand nous pleurons ainsi ; n’a-t-on pas rappelé ce qui l’oblige en quelque sorte à nous écouter, quand on a dit : « Car il est le Seigneur notre Dieu, et nous sommes le peuple de ses pâturages et les brebis de ses mains[2] ? » Les bergers ordinaires et même les pères de famille qui possèdent des troupeaux n’ont pas formé eux-mêmes les brebis qu’ils possèdent ; mais le Seigneur notre Dieu étant à la fois et Dieu et créateur, a formé les brebis qu’il voulait posséder et paître ; ainsi leur créateur n’est pas différent de leur pasteur, et leur pasteur n’est pas autre que leur créateur. Pleurons donc devant le Seigneur. Dans ce siècle, d’ailleurs ; nous ne sommes pas au comble de la prospérité. Quand nous plairons à Dieu dans la région des vivants, on essuiera nos larmes, et nous chanterons les louanges de Celui qui aura délivré nos, âmes des chaînes de la mort, nos pieds de l’abîme, et séché nos pleurs afin de nous rendre pour le Seigneur un spectacle agréable dans cette région des vivants[3]. Mais dans la région des morts il est difficile de lui plaire ; et cependant nous le pouvons, soit en appelant sa miséricorde et en nous abstenant du péché autant que nous le pouvons, soit, lorsque nous ne le pouvons pas, en le confessant et en le déplorant. Par là nous espérerons dans cette vie une autre vie, nous pleurerons en espérance ou plutôt nous pleurerons en réalité et nous nous réjouirons en espérance.
2. Après avoir exprimé dans ce chant sacré que nous sommes les ouailles du Seigneur, le peuple de ses pâturages et les brebis de ses mains, écoutons ce qu’il nous dit comme à son troupeau. Dans la leçon précédente il s’adressait aux pasteurs ; c’est aux brebis qu’il s’adresse dans celle d’aujourd’hui. Nous entendions la première, nous avec tremblement, et vous avec tranquillité : comment sera entendue celle d’aujourd’hui ? Les rôles seront-ils changés ? Écouterons-nous avec tranquillité et vous avec tremblement ? Point du tout. D’abord parce que nous sommes pasteurs, et qu’un pasteur écoute en tremblant non-seulement ce qui se dit aux pasteurs, mais encore ce qui se dit aux brebis. Aurait-il soin de celles-ci, s’il écoutait sans émotion ce qui s’adresse à elles ? Ensuite, comme nous l’avons rappelé alors à votre charité, c’est qu’il y a en nous deux choses à considérer, notre qualité de chrétiens, et notre titre de supérieurs. Comme supérieurs, nous sommes mis au rang des pasteurs, si toutefois nous sommes bons ; comme chrétiens nous sommes confondus avec vous au milieu des brebis. Soit donc que Dieu parle aux pasteurs ou aux brebis, nous devons tout écouter en tremblant et jamais nos cœurs ne peuvent être exempts de ces soucis qui nous portent à pleurer devant le Seigneur qui nous a formés.
3. Par conséquent, mes frères, prêtons l’oreille aux reproches adressés par le Seigneur aux brebis infidèles, et aux promesses qu’il fait à son troupeau. « Pour vous, mes brebis, voici ce que déclare le Seigneur Dieu. » Et d’abord, quel bonheur, d’être du troupeau de Dieu ! On ne saurait y réfléchir, mes fières, sans ressentir une grande joie au milieu même des larmes et des

  1. Eze. 34, 17-31
  2. Ps. 94, 6, 7
  3. Ps. 114, 8-9