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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/43

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vain bruit, voyez avec quelle convenance la seconde plaie est opposée au second précepte ! Quelle est cette seconde plaie ? Une étonnante multitude de grenouilles[1]. Leur coassement n’est-il pas la naturelle image de la vanité ? Considère les amis de la vérité qui ne prennent pas en vain le nom du Seigneur leur Dieu : ils enseignent la sagesse au milieu des parfaits, des imparfaits même[2]. Ils n’enseignent pas sans doute ce qu’on ne saurait comprendre ; néanmoins ils ne quittent pas la vérité pour se jeter dans la vanité. Si les imparfaits ne saisissent point des discussions d’un ordre un peu plus élevé sur le Verbe de Dieu, qui est Dieu en Dieu et par qui tout a été fait[3], s’ils ne peuvent comprendre que ce que Paul prêche au milieu d’eux comme au milieu des petits enfants du Christ, savoir Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifiés il ne s’ensuit pas que la vérité soit uniquement dans ce haut enseignement et que la vanité soit le partage de l’enseignement populaire. Or ce dernier serait vain si nous disions que le Christ n’est pas mort en réalité mais en apparence ; que ses blessures n’étaient que des simulacres, qu’il n’a point répandu véritablement son sang, mais fait semblant de le répandre ; et que ses blessures ayant été de fausses blessures, il n’a montré que de fausses cicatrices. En assurant toutes ces vérités, nous assurons des faits, nous croyons, nous prêchons qu’ils sont certains et réellement accomplis, et sans parler de cette sublime et immuable vérité ; nous ne tombons point dans la vanité. Mais ceux qui montrent tout cela comme étant, dans le Christ, faux et simulé, sont des grenouilles coassant dans un marais ; ils peuvent faire du bruit en paroles, ils ne sauraient enseigner la sagesse. Dans l’Église, au contraire, on est attaché à la vérité et on prêche la Vérité par laquelle tout a été fait ; la Vérité ou le Verbe fait chair et habitant parmi nous ; la Vérité ou le Christ né de Dieu, fils unique d’un seul Dieu et coéternel à Dieu ; la Vérité qui, après avoir pris la nature d’esclave, est née de la Vierge Marie, a souffert, a été crucifiée, est ressuscitée, montée aux cieux ; la Vérité partout, et celle que peuvent comprendre les parfaits et celle que peu, vent saisir les petits ; la Vérité devenue pain et lait, pain pour les grands et lait pour les petits ; car pour devenir lait, le pain doit passer par la chair. Quant à ceux qui crient contre cette Vérité et qui cherchent à prendre dans le mensonge où ils sont pris eux-mêmes, ce sont des grenouilles qui fatiguent l’oreille sans fortifier l’âme. Écoute enfin des hommes qui parlent raisonnablement : « Il n’y a point d’idiomes, point de langues où ne soient entendues leurs paroles, non pas des paroles vides de sens, car leur voix a retenti dans toute la terre, et leurs discours jusqu’aux extrémités du monde [4].» Veux-tu aussi voir des grenouilles ? Rappelle-toi ce verset d’un Psaume : « Chacun fait entendre des choses vaines à son prochain[5]. »

4. Troisième précepte : « Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat[6]. » Ce troisième précepte impose comme le tribut d’un repos qui consiste dans la paix du cour et de l’esprit, et que produit la bonne conscience. Ce repos sanctifie parce que l’Esprit-Saint y réside. Voyez-le en effet. «Sur qui reposera mon Esprit ? Sur « l’homme humble, paisible et tremblant à ma voix[7]» Les âmes agitées échappent donc à l’Esprit-Saint. Elles aiment les querelles, répandent des calomnies, recherchent plutôt la dispute que la vérité, et leurs mouvements continuels éloignent d’elles le repos spirituel du sabbat. Pour combattre cette inquiétude et pour inviter à ouvrir leurs cœurs au repos du sabbat, à l’action sanctifiante de l’Esprit de Dieu : « Écoute avec douceur la parole pour comprendre, leur est-il dit[8]. » Et que comprendrai-je ? Dieu qui me dit : Assez d’agitation ; qu’il n’y ait plus de tumulte dans ton cœur ; que ces pensées corrompues cessent de voltiger et de te tourmenter. C’est bien alors que tu entendras Dieu te dire : « Soyez en repos, et voyez que c’est moi qui suis Dieu[9]. » Mais toi, toujours inquiet, tu refuses de te mettre en repos, et aveuglé dans le trouble de tes disputes, tu prétends voir quand tu en es incapable. Considère donc la troisième plaie opposée à ce troisième précepte, ce sont des moucherons nés en Égypte du limon de la terre[10] ; c’est-à-dire des mouches très-petites, toujours en mouvement. Leur vol est irrégulier, elles se jettent dans les yeux, ne laissent point de repos ; on les chasse et elles reviennent ; chassées encore elles reviennent sans cesse. Telles sont les vaines imaginations des cœurs contentieux. Soyez fidèles au précepte, en garde contre le châtiment.

5. « Honore ton père et ta mère[11], » tel est le quatrième précepte. La quatrième plaie égyptienne qui y correspond se nomme en grec

  1. Exo. 8, 6-7
  2. 1Co. 2, 6
  3. Jn. 1, 3
  4. Psa. 18, 4-5
  5. Psa. 11, 3
  6. Exo. 20, 8
  7. Isa. 56, 2
  8. Sir. 5, 13
  9. Psa. 45, 11
  10. Exo. 8, 17
  11. Id. 20, 12