Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

χυνομυῖα. Que signifie χυνομυῖα ? Une mouche canine. C’est donc s’assimiler au chine que de ne reconnaître pas ses parentes. Est-il rien d’aussi digne d’un chien que cette conduite envers ceux à qui on doit le jour ? Aussi les petits chiens naissent aveugles.

6. Cinquième précepte : « Tu ne seras point adultère [1] ; » et cinquième plaie : mort sur les troupeaux des Égyptiens[2]. Établissons les rapports. Suppose un homme qui médite de commettre un adultère et qui ne se contente pas de son épouse ; il ne veut point dompter eu lui ce honteux désir de la chair, commun à l’homme et aux bêtes. Les bêtes peuvent aussi se livrer aux plaisirs de la chair et se reproduire ; à l’homme le raisonnement et l’intelligence. Aussi la raison, qui siège et règne dans.l'esprit, doit-elle réprimer avec autorité les mouvements désordonnés de la chair et ne les laisser pas courir de tous côtés, sans mesure et sans règle. C’est pourquoi la nature fait que les animaux eux-mêmes, grâce à l’institution du Créateur, ne recherchent qu’à des époques déterminées les jouissances brutales ce n’est pas la raison qui les réprime alors, c’est l’ardeur qui se refroidit. Si l’homme y est toujours sensible, c’est qu’il peut les contenir. Le Créateur t’a donné l’autorité de la raison, et il veut que ses préceptes de continence soient pour toi comme des rênes pour diriger des animaux sans raison. Tu as ce que ne saurait avoir l’animal, et tu espères ce qu’il ne peut espérer. C’est parfois un travail pour toi de garder la continence ; ce n’en est pas un pour l’animal ; mais pour toi quelles jouissances dans l’éternité où il ne parvient pas ! Si ce travail te fatigue, que la récompense te console ; car il y a un exercice de patience à mettre un frein à ces mouvements intérieurs qui te sont communs avec la bête, et à ne pas t’y abandonner comme elle. Mais si tu te ravales, si tu ne prends pas soin de cette divine image avec laquelle Dieu t’a créé, si tu te laisses vaincre aux tentations de la concupiscence, tu perdras. en quelque sorte ton caractère d’homme pour n’être plus qu’un vil animal : tu n’en auras point la nature, mais tu lui ressembleras, tout en conservant la nature humaine. N’entends-tu pas : « Ne soyez point comme le cheval et le mulet sans intelligence[3] ? » Peut-être néanmoins préfères-tu mener la vie des bêtes, te livrer librement à tes passions, et ne t’astreindre à aucune loi pour contenir tes appétits charnels. Vois donc le châtiment, et si tu ne crains point d’être une bête, redoute au moins la mort.
7. Sixième précepte : « Tu ne tueras point [4]. » Sixième plaie : des ulcères et des tumeurs qui bouillonnent et se lèvent dans tout le corps, la chaleur dévorante des blessures produites par le feu d’une fournaise[5]. Telles sont les âmes homicides ; elles sont enflammées par la colère, car pour elles il n’y a plus de frère. On distingue la chaleur de la colère et la chaleur de la grâce : celle-ci tient de la santé et l’autre d’un ulcère. Des desseins homicides produisent partout des tumeurs brûlantes, rien n’en est exempt ; il y a chaleur, mais elle ne vient pas de l’Esprit de Dieu. Car s’il y a de l’ardeur dans qui vole au secours du malheur, il y a de l’ardeur aussi à quand on court au meurtre ; la première vient du commandement, la seconde, de la maladie ; l’une est due aux bonnes œuvres, l’autre aux plaies corrompues. Ah ! s’il nous était donné de voir une âme homicide, nous pleurerions plus amèrement qu’à la vue des corps dévorés par la gangrène.
8. Nous voici arrivés au septième précepte : « Tu ne déroberas point[6], » et à la septième plaie la grêle sur les fruits de la terre[7]. Dérober malgré cette défense, c’est perdre au ciel, car il n’y a point de gain injuste qu’il n’y ait de juste dommage. Ainsi gagner par le vol un vêtement, c’est perdre la foi au jugement du ciel. Le gain est donc une perte. Mais le gain est visible, la perte descend des nuées du Seigneur. Rien n’arrive i sans la Providence, mes bien-aimés. Eh ! vous imagineriez-vous véritablement que les hommes souffrent parce que Dieu est endormi ? Les nuages se condensent, la pluie se répand, la grêle tombe, le tonnerre ébranle la terre, l’éclair l’épouvante tout cela semble se produire sans ordre et se faire en dehors de la divine providence. Mais n’a-t-on point entendu la condamnation de cette pensée dans ces paroles d’un psaume : « Habitants de la terre, louez le Seigneur, y est-il dit après qu’il a été loué par les habitants du ciel, louez-le, dragons et abîmes, feu, grêle, « neige, glace, souffle des tempêtes, qui obéissez à sa parole[8] ? » Aussi ceux qui suivent leurs désirs et dérobent extérieurement, sont, d’après le juste jugement de Dieu, ravagés intérieurement par la grêle. Ah s’ils pouvaient contempler ce champ de leur cœur, comme ils pleureraient

  1. Ex. 20, 14
  2. Id. 9, 6
  3. Psa. 158, 7-8
  4. Exo. 20, 13
  5. Id. 9, 10
  6. Id. 20, 15
  7. Id. 4, 23, 25
  8. Ps. 158, 7-8