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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/46

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entre les fils de notre cœur, c’est la foi, car sans elle on ne peut bien faire. Toutes tes bonnes œuvres sont comme tes fils spirituels, mais la foi occupe entre elles le premier rang, et si tu convoites intérieurement le bien d’autrui, intérieurement tu perds la foi. D’abord en effet tu dissimuleras, tu te montreras obséquieux plutôt par feinte que par charité. Tu voudras paraître aimer celui dont tu veux devenir l’héritier ; mais cet amour te fait souhaiter sa mort, et pour te voir maître de ce qu’il possède, tu ne lui veux pas d’autre successeur.
12. Frères, en parcourant ainsi les dix préceptes et les dix plaies, en comparant les contempteurs des commandements aux Égyptiens opiniâtres, qu’avons-nous fait ? Nous avons voulu vous déterminer à établir votre fortune sur les divins préceptes ; fortune que vous devez conservera l’intérieur, dans votre trésor secret ; fortune que ne puissent vous enlever ni voleur, ni larron, ni voisin ; fortune qui n’ait à redouter ni teigne ni rouille et que l’homme opulent emporte avec lui comme celui qui meurt dans un naufrage. A cette condition vous serez comme le peuple de Dieu au milieu des Égyptiens impies. Ceux-ci souffriront intérieurement les dix plaies, et vous en serez exempts à l’intérieur, jusqu’à ce que le peuple quitte la terre de captivité. Cette espèce de sortie se fait encore aujourd’hui. La première n’a eu lieu qu’une fois, cette dernière ne cesse de s’accomplir.
13. Aucune sainteté véritable et divine ne peut s’obtenir sans le Saint-Esprit. Ce M’est point sans motif qu’il porte spécialement le nom d’Esprit-Saint. Le Père est saint, le Fils est saint ; ce nom toutefois est proprement attribué à l’Esprit et la troisième personne de la Trinité se nomme le Saint-Esprit. Il repose sur l’homme humble et pacifique [1]. Il y est comme en son jour de sabbat. Aussi le nombre sept est consacré à l’Esprit-Saint : les Écritures le montrent clairement. Des hommes meilleurs pourront faire des considérations meilleures, des esprits plus élevés découvrir des aperçus plus hauts, et donner sur le nombre sept des explications plus spirituelles et plus divines. Ce que je vois, et ce qui suffit pour le moment, ce que je vous invite à considérer aussi, c’est que le nombre sept est proprement attribué à l’Esprit-Saint, parce que, la sanctification est recommandée au septième jour. Et comment prouver qu’au Saint-Esprit est consacré ce nombre sept ? Isaïe représente l’Esprit de Dieu descendant sur le fidèle, sur le chrétien, sur le membre du Christ, et il se nomme l’Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science et de piété, enfin l’Esprit de crainte de Dieu[2]. Si vous avez suivi, j’ai montré l’Esprit de Dieu descendant sur nous comme par sept degrés, depuis la sagesse jusqu’à la crainte, afin de nous élever à lui comme par sept degrés encore, depuis la crainte jusqu’à. la sagesse; « car la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse[3]. » L’Esprit est donc à la fois sept et un, sept dans ses opérations et un dans son essence. Voulez-vous le voir avec plus d’évidence ? La Pentecôte est, d’après l’Écriture, la fête des semaines. C’est ce que dit expressément le livre de Tobie[4]. Sept fois sept en effet produisent quarante-neuf. Mais il faut se réunir à son chef, attendu que l’Esprit-Saint nous attache à l’unité, au rien de nous en séparer. A quarante-neuf ajoutez donc une unité ; vous obtenez cinquante ; et ce n’est plus sans raison que le Saint-Esprit est descendu le cinquantième jour après la résurrection du Sauveur. Le Seigneur est ressuscité ; il est remonté des enfers avant de s’élever au ciel, et depuis qu’il est ressuscité, depuis qu’il est ainsi remonté des enfers, cinquante jours s’écoulent, et arrive le Saint-Esprit qui célèbre en quelque sorte sa fête au milieu de nous, en ce cinquantième jour. Le Sauveur avait conversé quarante jours avec ses disciples ; au quarantième jour il est monté au ciel, et quand il y a passé dix jours, comme si le dixième commandement était accompli, le Saint-Esprit descend, rappelant ainsi que nul n’accomplit la loi sans sa grâce. Frères, il est donc évident que le nombre de sept est spécialement attribué au Saint-Esprit. Or on doit considérer comme n’ayant pas le Saint-Esprit quiconque ne tient pas à l’unité du, Christ et aboie contre elle ; car il n’y a pour faire des divisions et des dissensions que cet homme animal dont parle ainsi l’Apôtre : « L’homme animal, dit-il, ne perçoit pas ce qui est de Dieu[5]. » Il est aussi écrit dans l’Épître de l’Apôtre Jude : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, » et il les dit pour les blâmer : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, hommes de vie animale, n’ayant point l’Esprit[6]. » Qu’y a-

  1. Is. 66, 2
  2. Is. 11, 2-3
  3. Prov. 1, 7
  4. Tob. 2, 1
  5. 1 Cor. 2, 11
  6. Jude, 1,19