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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/560

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moi. » Comment l’expliquer ? Dans ce sens, que tout ce qui est au Père ; est au Fils, comme tout ce qui est au Fils, est au Père. Voici en effet comme il s’exprime dans un autre passage : « Tout ce qui est à moi, est à vous ; et tout ce qui est à vous, est à moi [1]. » Ainsi relativement à ce que possèdent le Père et le Fils, la question est tranchée ; ils possèdent paisiblement en commun ; pourquoi susciter des débats ? Quant aux œuvres du Père, le Fils dit aussi qu’elles sont ses œuvres. Elles sont les siennes, puisqu’elles sont celles du Père à qui il disait « Tout ce qui est à moi est à vous ; et tout ce qui « est à vous est à moi. » Ne s’ensuit-il pas en effet que mes œuvres sont les vôtres et que les vôtres sont les miennes ? D’ailleurs, a-t-il dit encore, lui, le Seigneur même, le Fils et le Fils unique de Dieu, la Vérité suprême : qu’a-t-il donc dit ? « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi comme lui[2]. » Quel trait de lumière ! quelle vérité ! quelle égalité ! Ne suffirait-il pas de dire « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi ? » – Non, j’ajoute : « Comme lui. » Pourquoi ajouter : « Comme lui ? » Parce qu’il est des esprits peu intelligents et marchant sans avoir les yeux ouverts, qui aiment à répéter que le Père agit en commandant et le Fils en obéissant, d’où il suit qu’ils n’agissent pas l’un comme l’autre. Mais ces mots : « comme lui », indiquent qu’ils agissent l’un comme l’autre, et que l’un fait ce qui est fait par l’autre.
4. Cependant, réplique-t-on, le Père commande au Fils d’agir. Quelle idée charnelle ! Eh bien ! sans préjudicier aux droits de la vérité, j’accepte. Le Père donc commande et le Fils obéit : s’ensuit-il que le Fils qui obéit n’est pas de même nature que le Père qui commande ? Supposons deux hommes, un père et son fils. L’un commande, c’est un homme ; l’autre obéit, c’est un homme encore ; ils ont tous deux une seule et même nature. Celui qui commande n’a-t-il point communiqué par la génération la nature à son fils ? Et celui qui obéit a-t-il en obéissant perdu cette nature ? Provisoirement donc considère comme deux hommes le Père qui commande et le Fils qui obéit, sans oublier toutefois que l’un et l’autre est Dieu. Mais il y a cette différence que les deux hommes sont deux hommes réellement, tandis que le Père et le Fils ne forment ensemble qu’un seul. Dieu ; ce qui est une propriété merveilleuse et toute divine. Veux-tu donc que j’attribue avec toi l’obéissance au Fils ? Admets d’abord avec moi qu’il est de même nature que son Père. Le Père a engendré un autre lui-même ; son Fils autrement ne serait pas son vrai Fils. Le Père lui dit : « Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore[3]. » Que signifie « avant l’aurore ? – Avant l’aurore » signifie avant le temps, et par conséquent avant tout ce qui est précédé par quoi que ce soit, avant tout ce qui n’est pas encore, et avant tout ce qui est déjà. Aussi l’Évangile ne dit-il pas : Au commencement Dieu a fait le Verbe, comme il est dit ailleurs : « Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre[4]. » Il ne dit pas non plus : Au commencement est né le Verbe ; ni : Au commencement Dieu l’a engendré. Que dit-il alors ? « Il était, il était, il était. » À ce mot, il était, crois. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[5]. »
A chaque répétition de ce mot, il était, éloigne toute idée de temps, car c’est toujours qu’il était. Ainsi donc, comme Dieu a toujours été et toujours été avec son Fils, comme aussi il peut engendrer en dehors du temps, c’est lui qui a dit à son Fils : « Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore. » Que signifie, de mon sein? Dieu aurait-il un sein ? Lui donnerons-nous une forme et des membres corporels ? Nullement. Si donc il a dit : De mon sein, n’est-ce pas pour nous faire entendre qu’il a engendré de sa propre substance ? Son sein a ainsi produit un autre lui-même ; attendu que si le Fils était d’une autre nature que son Père, il ne serait pas un Fils, mais un monstre véritable.
5. Dans ce sens donc le Fils peut accomplir les œuvres de Celui qui l’a envoyé, et le Père, les œuvres du Fils. Oui, le Père veut et le Fils exécute. Ne puis-je montrer aussi que le Fils veut et que le Père accomplit ? – Comment, dis-tu, le montrerai-je ? – Le voici. « Mon Père, je veux. » Ne pourrais-je à mon tour accuser le Fils de vouloir et le Père d’exécuter ? Que voulez-vous Seigneur ? « Que là où je suis, eux soient aussi avec moi[6]. » Nous voilà tirés du danger, nous serons alors où il est ; oui, nous y serons. Qui peut annuler ce vouloir du Tout-Puissant ? Après avoir constaté la volonté de sa puissance, constate maintenant la puissance de sa volonté.« Comme le Père, dit-il ; réveille les morts et les rend à la vie ; ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut[7]. » – « Ceux qu’il veut. » Ne dis donc

  1. Jn. 17, 10
  2. Id. 5, 19
  3. Psa. 109, 3
  4. Gen. 1, 1
  5. Jn. 1, 1
  6. Jn. 17, 24
  7. Id. 5, 21