Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/100

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Afin donc de profiter de là participation aux souffrances du Christ, tu dois avoir la charité. Comment l’avoir ? Pauvre mendiant, comment avoir l’amour de Dieu ? Veux-tu que je te l’apprenne ? Interroge plutôt l’économe du Seigneur. Oui, avec la charité, la participation aux souffrances du Christ te rendra véritablement martyr ; le martyr étant celui dont on couronne la charité. Mais enfin, comment avoir cette charité ? Nous portons ce trésor dans des vases d’argile, dit le même Apôtre, « de sorte que la grandeur appartient à la vertu de Dieu et ne vient pas de nous[1] ». N’est-ce pas dire que « la charité a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, qui nous a été donné[2] ? » C’est après cela que tu dois soupirer. Dédaigne ton esprit et reçois l’Esprit de Dieu. Que ton esprit ne craigne pas de se trouver à l’étroit dans ton corps, lorsque l’Esprit de Dieu commencera à régner en toi. Non, l’Esprit de Dieu ne bannira pas alors ton esprit ; ne crains pas. Tu serais à l’étroit, si tu donnais l’hospitalité à un riche, tu ne saurais où te loger, où placer ton lit, ton épouse, tes enfants, toute ta famille. Que faire ? dirais-tu. Où aller ? Où habiter ? L’Esprit de Dieu est riche, reçois-le pourtant ; il te mettra au large au lieu de te mettre à l’étroit. « Sous moi vous avez élargi l’espace[3] » ; c’est ce que tu chantes. Tu diras donc à ton hôte divin : « Sous moi vous avez élargi l’espace ». J’étais à l’étroit, quand vous n’étiez pas ici ; vous avez rempli ma demeure, et au lieu de m’en chasser, vous n’en avez chassé que la gêne. Dans ces mots d’ailleurs : « La charité de Dieu a été répandue », le terme répandue n’éveille-t-il pas l’idée d’étendue ? Non, ne crains pas d’être à l’étroit, accueille ton hôte, et ne le traite pas comme un de ceux qui ne font que passer. Tu ne gagnerais rien à son départ ; c’est en demeurant qu’il donne. Sois à lui, ne souffre pas qu’il te laisse, qu’il sorte, retiens-le toujours et dis-lui : « Faites de nous votre possession, ô Seigneur notre Dieu[4] ».

16. Oui, conservons la justice qui vient de Dieu, pour le connaître, ainsi que la vertu de sa résurrection et la participation à ses souffrances, en nous conformant à sa mort. « Car nous avons été, par le baptême, ensevelis avec le Christ pour mourir, afin que, comme le Christ est ressuscité d’entre les morts, nous menions aussi une vie nouvelle[5] ». Meurs, pour vivre ; pour ressusciter, ensevelis-toi : c’est après ta sépulture et ta résurrection que véritablement tu auras le cœur élevé, Vous goûtez ce que je dis. Le goûteriez-vous, si vous n’y trouviez une secrète douceur ? « Je me conforme à sa mort, poursuit saint Paul, afin que je puisse parvenir de quelque manière à la résurrection d’entre les morts ». Il parlait de la justification, de la justification par la foi au Christ, de la justification qui vient de Dieu, et voici comment il termine. Après avoir recherché cette justification, après avoir dit : « Afin d’être trouvé en lui, possédant non ma propre justice, qui vient de la loi, mais la justice qui s’obtient par la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu », il ajoute : « Pour parvenir de quelque manière à la résurrection d’entre les morts ». Pourquoi avoir dit : « Pour parvenir de quelque manière ? – C’est que sans avoir atteint encore jusque-là ni être déjà parfait, je cherche, en poursuivant, à atteindre de quelque manière le but auquel j’ai été destiné par le Christ Jésus ». Sa justice m’a prévenu, que la mienne le suive ; et elle le suivra, dès que ce ne sera plus la mienne. « À parvenir de quelque manière. Ce n’est pas que j’aie encore atteint ou que déjà je sois parfait ». On s’étonne en entendant l’Apôtre dire : « Ce n’est pas que j’aie atteint encore jusque-là ou que déjà je sois parfait ». Que n’avait-il pas atteint encore ? Il avait la foi, le courage, l’espérance ; la charité l’embrasait, il faisait des miracles, il prêchait avec une indomptable vigueur, souffrait toutes sortes de persécutions et se montrait partout patient, plein d’amour pour l’Église et de sollicitude pour toutes les communautés chrétiennes : que n’avait-il pas reçu ? « Ce n’est pas que j’aie encore atteint ni que je sois déjà parfait ». Que dis-tu ? Tu parles et nous sommes dans l’étonnement ; tu parles et nous sommes dans la stupeur ; car nous avons notre pensée. Que dis-tu ? « Mes frères », s’écrie-t-il. Que veux-tu dire enfin ? que dis-tu ? « Je ne pense pas avoir atteint le but ». Ne vous méprenez pas sur mon compte, je me connais mieux que vous. Si j’ignorais ce qui me manque, je ne saurais ce que j’ai. « Je ne crois pas avoir atteint le but. « Il

  1. 2Co. 4, 7
  2. Rom. 5, 5
  3. Psa. 17, 37
  4. Isa. 26, 13, sept
  5. Rom. 6, 4