Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/105

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pour se rendre irrépréhensibles aux yeux des hommes, et pour vivre sous la loi sans reproche, ils se l’attribuaient ; ils revendiquaient pour eux le mérite d’avoir observé la justice légale. Ils ne pouvaient l’observer parfaitement, mais ils taisaient ce qu’ils pouvaient, et ils le faisaient mal en s’en attribuant le mérite.

6. Pour observer complètement la loi, il faudrait donc ne plus convoiter. Qui en est capable dans cette vie ? Cherchons des lumières dans le psaume qu’on vient de chanter. « Exaucez-moi à cause de votre justice », et non pas à cause de la mienne. Si l’auteur sacré disait : Exaucez-moi à cause de ma justice, il revendiquerait ce qu’il a mérité. Il est vrai que parfois il parle aussi de sa propre justice ; mais ici il s’exprime plus clairement. Quand en effet il parle de sa propre justice, il entend celle qu’il a reçue. N’est-ce pas ainsi que nous disons : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien[1] ? » Comment entendre autrement ces deux mots : notre, et donnez ? Il s’exprime donc plus clairement en disant « Exaucez-moi à cause de votre justice ». Il ajoute : « Et n’entrez pas en jugement avec votre serviteur ». Que signifient ces mots : « Et n’entrez pas en jugement avec votre serviteur ? » Ne venez pas me juger ; ne me demandez pas compte de tout ce que vous avez prescrit, de tout ce que vous avez commandé. Ah ! vous me trouverez coupable, si vous entrez en jugement avec moi. J’ai plutôt besoin de votre miséricorde que de votre rigoureux jugement. Mais pourquoi ? pourquoi dire : « N’entrez pas en jugement avec votre a serviteur ? » Il l’explique aussitôt : « C’est que nul homme vivant ne sera justifié en votre présence\x + \xtPs. 142, 1-2]]</ref> ». Je suis votre serviteur ; pourquoi me faire comparaître devant votre tribunal ? Je recourrai à la clémence de mon Maître. Pourquoi ? Parce que nul homme vivant ne sera justifié en votre présence » ; Qu’est-ce à dire ? que durant cette vie il n’y a devant Dieu aucun juste véritable. Devant Dieu, car on peut être juste aux yeux des hommes. Ainsi c’est devant les hommes que l’Apôtre aurait observé, sans mériter de reproche, la « justice qui vient de la loi » ; tandis qu’aux yeux de Dieu « nul homme vivant ne sera justifié ».

7. Que faire alors ? crier : « N’entrez pas en jugement avec votre serviteur ». Crier encore : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Nous avons entendu le premier cri poussé par le Psalmiste, le second par l’Apôtre. C’est qu’une fois parvenus au degré de justice où vivent les anges, à ce degré où il n’y aura plus de convoitise, eh ! quelle différence il y aura entre nous-mêmes et nous-mêmes ? Qu’on compare une justice à l’autre ; l’une ne sera vis-à-vis de l’autre que perte et que fumier. Considérez encore qu’en se croyant capable d’accomplir simplement la justice qui consiste à observer ce qui passe aux yeux des hommes pour être l’honnêteté et l’innocence, on s’arrête en chemin, on ne désire pas davantage, puisqu’on croit être parvenu au suprême degré et comme on s’attribue un grand mérite, on est orgueilleux. Un pécheur humble, néanmoins, vaut mieux qu’un juste orgueilleux. Aussi l’Apôtre désire-t-il « posséder en lui, non sa propre justice, qui vient de la loi », et dont se contentaient les Juifs, « mais la justice qui vient de la foi en Jésus-Christ ». Puis il ajoute : « Afin de parvenir de quelque manière à la résurrection d’entre les morts ». C’est pour ce moment qu’il compte accomplir la justice, la posséder dans toute sa plénitude. Or, comparée à cette résurrection glorieuse, la vie présente n’est que fumier. Écoute l’Apôtre l’enseigner plus clairement encore : « Afin de parvenir de quelque manière à la résurrection d’entre les morts : ce n’est pas que j’aie encore atteint ce but nique je sois déjà parfait. Non, mes frères, conclut-il, je ne crois pas l’avoir atteint ». Voyez-vous comme il compare la justice à la justice, le salut au salut, la foi à la claire vue, l’exil à la patrie ?

8. Considérez comment il veut parvenir à ce qu’il ne croit pas avoir encore atteint. « Il est « une chose que je fais », dit-il. Laquelle ? N’est-ce pas de vivre dans la foi et dans l’espoir de ce salut éternel où régnera dans toute sa perfection, cette justice près de laquelle il faut considérer comme perte tout ce qui passe, et comme fumier tout ce qu’on doit réprouver ? Poursuivons. « Il est une chose, c’est qu’oubliant ce qui est en arrière et m’élançant vers ce qui est en avant, je cours au but, à la palme où Dieu, m’appelle d’en

  1. Luc. 11, 3