Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/118

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Qu’ils ne sont pas à la droite, mais à la gauche ; car les quatre-vingt-dix-neuf représentent la gauche : un de plus, et les voilà à la droite. « Le Fils de l’homme est donc venu », comme lui-même le dit ailleurs, « pour rechercher et sauver ce qui était perdu[1] ». Mais c’est tout qui était perdu ; tout était perdu, depuis le péché de celui en qui tout était. Un autre est donc venu, exempt de tout péché, pour sauver du péché. Mais, ce qui est plus déplorable, ces orgueilleux, dans leur orgueil, étaient malades et se croyaient en santé.

2. La maladie est plus dangereuse, quand le travail de la fièvre a égaré l’esprit. On rit alors, tandis que pleurent ceux qui ont la santé. C’est le frénétique qui rit aux éclats. Hélas ! pourtant il est malade. Supposons que tu adresses cette double question : Vaut-il mieux rire ou pleurer ? Qui ne répondrait que pour lui il aime mieux rire ? De là vient que si le Seigneur, en vue des fruits salutaires que produit la douleur de la pénitence, a fait des larmes un devoir, il a présenté le rire même comme une récompense. Quand ? Au moment où il disait en annonçant l’Évangile : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils riront[2] ». Il est donc bien vrai que notre devoir est de pleurer, et que le rire est la récompense due à la sagesse. Mais le rire est ici synonyme de la joie ; il signifie, non les bruyants éclats, mais l’allégresse du cœur. Nous disions que si tu adressais cette double question : Lequel vaut le mieux, de rire ou de pleurer, chacun répondrait qu’il ne voudrait pas pleurer, mais rire. Va plus loin maintenant, et personnifiant en quelque sorte la question que tu viens de faire, demande si l’on aimerait mieux le rire de l’insensé que les pleurs de l’homme sage ? Et chacun de répondre qu’il préférerait pleurer avec le sage, plutôt que de rire avec l’insensé. Oui, la santé de l’âme est de si haut prix, que toujours on l’appelle à soi, fût-elle accompagnée d’angoisses. La maladie des Juifs était donc d’autant plus dangereuse et d’autant plus désespérée qu’ils se croyaient en santé ; et cette maladie qui leur faisait perdre l’esprit, les portait en même temps à frapper le céleste Médecin. Que dis-je ! à le frapper ? Exprimons la vérité tout entière. Pour eux ce n’était pas assez frapper sur lui, ils le mettaient à mort. Mais lui, pendant qu’on le mettait à mort, n était pas moins Médecin ; on le déchirait, il guérissait ; il ressentait les coups du frénétique, et il n’abandonnait pas le malade ; s’emparait de lui, on le garrottait, on meurtrissait de soufflets ; on le blessait à coi de roseaux, on le couvrait de dérisions d’outrages, on le faisait comparaître pour condamner, on le suspendait au gibet et toutes parts on frémissait de rage autour lui ; mais il n’en était pas moins Médecin.

3. Tu ne connais que trop ces furieux, contemple les actes du Médecin. « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[3] ». Dans leur aveugle rage ils s’emportaient contre lui et répandaient son sang lui faisait avec son sang un remède pour guérir ; car ce n’est pas inutilement qu’il disait : « Mon Père, pardonnez-leur, ils savent ce qu’ils font ». Un chrétien prie et Dieu l’exauce ; le Christ prie, et il ne serait pas exaucé ? Il nous exauce avec son Père, parce qu’il est Dieu ; et comme homme il ne serait pas exaucé, parce qu’il s’est fait homme pour l’amour de nous ? Ah ! il l’a été sans aucun doute. Or ces cruels étaient là quand il priait, et ils se livraient à toute leur fureur. Dans ce nombre figuraient les dédaigneux le blâmaient et qui s’écriaient : « Le voilà qui mange avec les publicains et les pécheurs[4] » Ils faisaient partie du peuple qui mettait à mort ce divin Médecin ; tandis que, celui-ci leur préparait avec son sang un contre-poison. Non-seulement en effet le Sauveur donnait son sang pour eux et acceptait la mort pour les guérir ; il voulut encore que sa résurrection fût l’image de celle qu’il leur promettait. Il souffrit pour que sa patience servît de modèle à la nôtre ; il ressuscite, aussi pour nous montrer quelle récompense mérite cette vertu. Dans ce but encore, vous le savez et nous le proclamons tous, il monta au ciel, puis envoya le Saint-Esprit, qu’il avait promis en disant à ses disciples : « Demeurez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtu de la vertu d’en haut[5] ». Cette promesse s’accomplit en effet, l’Esprit-Saint descendit, remplit les disciples, et ceux-ci se mirent à parler toutes les langues. C’était l’emblème de l’unité : l’Église

  1. Luc. 19, 10
  2. Luc. 6, 21
  3. Luc. 23, 34
  4. Luc. 23, 34
  5. Luc. 24, 49