Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’un à l’autre : Voilà ce qu’on nous a dit aujourd’hui, voilà le devoir qui nous oblige. Qu’on ne retombe pas aujourd’hui, surtout pendant le temps qui suivra immédiatement ce discours, qu’on ne retombe pas aujourd’hui, je parle par expérience, et demain on retombera moins facilement. Que si l’on ne retombe pas demain, on aura moins de peine à se surveiller, attendu qu’on sera aidé par l’effort de la veille. Trois jours suffisent pour guérir de cette maladie funeste. Oh ! comme nous serons heureux de ce résultat dont vous jouirez, car vous vous préparerez un bien immense en vous délivrant d’un aussi grand mal. Tournons-nous avec un cœur pur, etc.


SERMOM CLXXXI. NUL ICI-BAS SANS PÉCHÉ[1].

ANALYSE. – L’apôtre saint Jean dit en termes formels que se croire sans péché c’est se faire illusion. Les Pélagiens toutefois se prétendent sans péché et ils s’appuient sur le texte de saint Paul où il est dit que le Christ a voulu se faire une Église sans tache et sans ride. Mais, 1° ne confessent-ils pas souvent qu’ils sont pécheurs, et s’ils ne croient pas ce qu’ils disent, n’est-ce pas une preuve que réellement ils sont pécheurs ? 2° L’Oraison dominicale nous oblige tous de demander pardon de nos fautes ; nous y obligerait-elle si nous n’en avions pas ? 3° S’il est dit que Jésus-Christ a voulu se former une Église qui fût sans tache et sans ride, c’est que ce but est réellement le sien ; il prétend que cette Église emploie sur la terre les moyens de sanctification qu’il lui a octroyés, surtout la confession des péchés, la prudence dans la conduite, le pardon des ennemis et la prière fervente et c’est ainsi qu’elle parviendra à être sûrement au ciel et sans tache et sans ride.

1. Le bienheureux apôtre Jean, dont les écrits sont aussi salutaires que vrais, dit entre autres choses : « Si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous. Mais si nous avouons nos fautes, Dieu est fidèle et juste pour nous les remettre et pour nous purifier de toute iniquité ». Ce langage du bienheureux Jean, ou plutôt de Notre-Seigneur Jésus lui-même, qui parlait par sa bouche, nous enseigne que dans cette chair, que dans ce corps corruptible, que sur cette terre, au milieu de ce siècle pervers et dans cette vie pleine de tentations, personne n’est exempt de péché. La pensée est absolue et ne demande point d’explication : « Si nous prétendons, dit-il, être sans péché ». Eh ! qui donc en est exempt ? « Pas même l’enfant qui n’est que depuis un jour sur cette terre », dit l’Écriture[2]. Cet enfant, il est vrai, n’en a point commis lui-même, mais il a hérité de ses parents. D’où il suit que personne ne peut prétendre avoir été toujours exempt de péché. Il y a plus : l’âme fidèle est entrée avec foi dans le bain régénérateur et toutes ses fautes lui ont été pardonnées ; maintenant elle vit dans la grâce et dans la foi, elle est devenue un membre du Christ et le temple de Dieu ; mais tout membre du Christ et tout temple de Dieu qu’elle soit, si elle prétend alors être sans péché, elle s’illusionne et la vérité n’est point en elle ; oui, elle ment, si elle ose dire : Je suis juste.

2. Il y a toutefois des outres enflées, des hommes pleins d’orgueil, des hommes qui n’ont pas de grandeur réelle, mais qui s’enflent et se gonflent misérablement jusqu’à oser dire qu’il est des hommes sans péché, qu’il est dans cette vie des justes qui n’en ont absolument aucun. Ces hommes sont des hérétiques nommés Pélagiens ou Célestiens. Leur répond-on : Que prétendez-vous ? Quoi ! est-il un seul homme qui vive ici sans péché, qui n’en commette absolument aucun, ni d’action, ni de parole, ni de pensée ? Avec l’orgueil venteux dont ils sont remplis, ils répondent aussitôt. Mieux vaudrait pourtant qu’ils en finissent avec cet esprit d’orgueil, qu’ils le rejetassent tout entier pour garder le silence, en

  1. 1Jn. 1, 8-9
  2. Job. 14, 4, selon Sept