Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais de saint Jean l’Évangéliste : « Tout esprit qui confesse l’Incarnation de Jésus-Christ, vient de Dieu ». Combien d’hérésies ne voyons-nous pas confesser cette Incarnation, sans que nous puissions admettre, toutefois, qu’elles viennent de Dieu ! Le Manichéen nie l’Incarnation ; mais il ne faut travailler ni beaucoup ni longtemps pour vous persuader que cette erreur n’a point Dieu pour auteur. Or, l’Arien, l’Eunomien, le Sabellien et le Photinien confessent l’Incarnation. Pourquoi chercher ici des témoins pour les confondre ? Qui pourrait compter toutes ces espèces de contagion ? Arrêtons-nous toutefois à ce qui est plus connu. Beaucoup en effet ignorent les hérésies que je viens de citer, et cette ignorance est préférable. Ce que nous savons tous, c’est que les Donatistes aussi confessent l’Incarnation ; loin de nous pourtant la pensée que cette erreur vienne de Dieu ! Pour parler même d’hérétiques plus récents, les Pélagiens admettent l’Incarnation également ; sûrement néanmoins, ce n’est pas Dieu qui leur enseigne l’erreur.

2. Appliquons-nous donc avec soin ; mes bien-aimés ; et comme nous ne révoquons point en doute la vérité de cette assertion « Tout esprit qui confesse l’Incarnation de Jésus-Christ vient de Dieu », prouvons à tous ces hérétiques que réellement ils ne la confessent pas. Si nous admettions avec eux qu’ils la confessent, ce serait avouer qu’ils viennent de Dieu. Et comment alors pourrions-nous vous détourner, vous éloigner de leurs erreurs et vous protéger contre leurs assauts avec le bouclier de la vérité ? Daigne le Seigneur nous accorder le secours que sollicite pour nous votre attente, et nous leur, montrerons qu’ils ne confessent véritablement pas l’Incarnation du Christ.

3. L’Arien entend parler et il parle à son tour du Fils de la Vierge Marie. Ne confesse-t-il pas ainsi l’Incarnation ? – Non. – Comment le prouver ? – Très-facilement, si le Seigneur répand sa lumière dans vos esprits. En effet, que cherchons-nous, si l’Arien confesse l’Incarnation du Christ ? Mais comment peut-il confesser l’Incarnation du Christ, puisqu’il nie le Christ ? Qu’est-ce que le Christ. Adressons-nous au bienheureux Pierre. Vous venez d’entendre ce qu’on a lu dans l’Évangile. Notre-Seigneur Jésus-Christ demandait ce que les hommes pensaient de lui, Fils de l’homme ; ses disciples rapportèrent quelles étaient leurs différentes manières de voir : « Les uns, dirent-ils, croient que vous êtes Jean-Baptiste, d’autres Élie, d’autres encore Jérémie ou l’un des prophètes ». Avec ces idées on ne voyait et on ne voit encore dans Jésus-Christ que l’humanité. Mais ne voir dans Jésus-Christ que son humanité, c’est ne le pas connaître ; car il n’est pas vrai de dire que Jésus-Christ ne soit qu’un homme. « Pour vous, demanda alors le Sauveur, qui dites-vous que je suis ? » Et parlant au nom de tous, parce que tous ont la même foi : « Vous êtes, répondit Pierre, le Christ, le Fils du Dieu vivant[1] ».

4. Voilà pour former une profession de foi vraie, une profession de foi entière. Joins a que le Christ a dit de lui à ce que Pierre dit du Christ. Qu’est-ce que le Christ a dit de lui-même ? Il a demandé ce que les hommes pensaient de lui, « Fils de l’homme ». Et Pierre ? « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Unis ces deux idées, et voilà le Christ incarné. Le Christ a dit de lui ce qui est plus humble, et Pierre a dit du Christ ce qui est plus glorieux. L’humilité a rendu témoignage à la vérité, et la vérité à l’humilité en d’autres termes, l’humilité de l’homme la vérité de Dieu, et la vérité de Dieu à l’humilité de l’homme. « Qui pense-t-on que je suis, moi, Fils de l’homme ? » J’exprime ici ce que je me suis fait pour vous ; à toi nous dire, Pierre, quel est Celui qui vous faits. Ainsi donc confesser l’Incarnation de Jésus-Christ, c’est confesser l’Incarnation du Fils de Dieu. Dis-nous, maintenant, ô Arien, si tu mets réellement cette Incarnation. Il l’admet, s’il confesse que le Christ est le Fils de Dieu mais s’il nie que le Christ soit le Fils de Dieu il ne connaît pas le Christ, il nomme l’un pour l’autre, il parle d’un autre que de lui. Qu’est-ce en effet que le Fils de Dieu ? Nous nous demandions tout à l’heure : Qu’est-ce que le Christ ? Et on nous répondait : C’est le Fils de Dieu. Demandons-nous maintenant : Qu’est-ce que le Fils de Dieu ? Le voici : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; il était Dieu dès le commencement. – Au commencement était le Verbe ». Mais toi, Arien, que dis-tu ? « Au commencement, lisons-nous dans la Genèse, Dieu a fait le

  1. Mat. 16, 13-16