Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/168

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chaste, sinon à cause de l’intégrité de sa foi, de son espérance et de sa charité ? Le Christ voulait donc se former une Église qui fût vierge de cœur ; c’est pourquoi il a conservé à Marie la virginité du corps même. Dans les unions humaines une femme est livrée à son mari pour n’être plus vierge ; et l’Église ne pourrait demeurer vierge, si elle n’avait pour Époux de son cœur le Fils même d’une Vierge.


SERMON CLXXXIX. POUR LE JOUR DE NOËL. VI. VÉRITÉ ET JUSTIFICATION.

ANALYSE. – Le Verbe naissant de la Vierge est la Vérité s’élevant de la terre. Or, ce qu’il se propose n’est pas seulement de nous éclairer, mais encore de nous justifier. Donc allons à lui et nous y attachons.

1. Le Jour, auteur de chaque jour, a pour nous, mes frères, sanctifié le jour présent. C’est de ce Jour suprême qu’il est dit dans un psaume : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; que toute la terre célèbre le Seigneur. Célébrez le Seigneur et bénissez son nom ; bénissez son Sauveur, le Jour issu du Jour[1] ». Quel est ce Jour issu du Jour, sinon le Fils issu du Père, lumière de lumière ? Le Jour donc a engendré le Jour qui jaillit aujourd’hui du sein de la Vierge ; et ce Jour par conséquent n’a ni lever ni coucher. J’appelle ici Jour Dieu le Père. Ce Jour en effet n’est-il pas lumière, non pas cette lumière que voient les yeux du corps et qui éclaire les animaux aussi bien que nous ; mais la lumière qui brille aux yeux des anges et qui demande, pour arriver jusqu’à nous, que nous purifiions nos cœurs. Ne vivons-nous pas dans une nuit qui passe et durant laquelle sont allumés pour nous les flambeaux de l’Écriture ? À cette nuit succédera le matin dont il est parlé dans ces mots d’un psaume : « Je me lèverai le matin devant vous et je vous contemplerai[2] ».

2. Ce Jour donc qui n’est autre que le Verbe de Dieu, ce Jour qui éclaire les anges et qui rayonne dans cette patrie dont nous sommes exilés, s’est revêtu de chair et il est né de la Vierge Marie. Naissance merveilleuse ! qu’y a-t-il de plus merveilleux que l’enfantement d’une Vierge, qu’une Vierge qui conçoit étant Vierge et qui enfante étant Vierge encore ? Son Fils est ainsi formé de celle qu’il a formée ; il lui a donné la fécondité, sans altérer en rien son intégrité. D’où vient Marie ? D’Adam. Et Adam ? De la terre. Mais Marie venant d’Adam et Adam de la terre, ne s’ensuit-il pas que Marie est terre comme lui ? Or, Marie étant terre, comme ne comprendre pas ce que nous chantons : « La Vérité s’est élevée de terre ? » Qu’y gagnons-nous ? « La Vérité s’est élevée de terre, et la justice a regardé du haut du ciel[3] », Pourquoi ? C’est que, comme s’exprime l’Apôtre, « ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur, les Juifs ne se sont pas soumis à la divine justice ». Comment un homme peut-il devenir juste ? Est-ce par lui-même ? Quel pauvre, Hélas ! peut se donner du pain ? Quel homme nu peut se couvrir si on ne lui donne des vêtements ? D’où vient aussi la justice ? Peut-elle exister sans la foi, puisque « c’est de la foi que vit le juste[4] ? » Se dire juste quand on n’a pas la foi, c’est mentir. Or, si on ment lorsqu’on n’a pas la foi, il faut pour ne mentir pas, se tourner du côté de la Vérité. Mais la Vérité était bien éloignée ; elle s’est levée de terre. Tu dormais, elle

  1. Psa. 95, 1, 2.
  2. Psa. 5, 5.
  3. Psa. 84, 12
  4. Rom. 1, 17.