Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/188

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du ciel même que Dieu allait être glorifié au plus haut des cieux et la paix accordée sur la terre aux hommes de bonne volonté[1]. Car le Sauveur « est notre paix, puisque de deux il a fait un » ; et c’est ainsi que muet encore il s’annonce comme la pierre angulaire, et qu’il se montre tel dès le début de sa vie. Dès lors en effet il commence à unir en lui les deux murs qui viennent de directions différentes ; amenant les bergers de la Judée et les Mages de l’Orient, « afin de former en lui-même un seul homme de ces deux peuples, en accordant la paix à ceux qui étaient loin, et la paix à ceux qui étaient proche[2] ». Voilà pourquoi les uns en venant plus tôt et de près, et les autres en venant de loin et aujourd’hui seulement, ont signalé aux siècles futurs deux jours à célébrer, quoique les uns comme les autres n’aient vu qu’une seule et même lumière du monde.

2. Mais aujourd’hui il nous faut parler de ceux d’entre eux que la foi a amenés, de pays lointains, aux pieds du Christ. Ils sont donc venus et l’ont cherché en disant : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer[3] ». C’est à la fois annoncer et questionner, croire et chercher : n’est-ce pas l’image de ceux qui se conduisent par la foi et qui désirent voir la réalité ? Cependant, n’était-il pas né bien des fois en Judée d’autres rois des Juifs ? Pourquoi Celui-ci est-il par des étrangers reconnu dans le ciel et cherché sur la terre ? Pourquoi rayonne-t-il en haut, se cache-t-il en bas ? Les Mages voient en Orient une étoile, et ils comprennent qu’il est né un roi en Judée ! Quel est donc ce Roi, si petit et si grand, qui ne parle pas encore sur la terre et qui déjà promulgue ses lois dans le ciel ?

Toutefois, comme il voulait se faire connaître à nous par les saintes Écritures, après avoir fait briller pour les Mages un signe aussi éclatant dans le ciel et leur avoir révélé au cœur qu’il était né dans la Judée, le Seigneur voulut, à cause de nous, que leur foi en lui fût appuyée aussi sur ses prophètes. En s’informant de la ville où était né Celui qu’ils aspiraient à contempler et à adorer, ils eurent besoin d’interroger les princes des Juifs, de savoir quelle réponse ils trouveraient pour eux dans l’Écriture, dans l’Écriture qu’ils avaient sur les lèvres et non dans le cœur. C’étaient donc des infidèles qui instruisaient les fidèles touchant le bienfait de la foi ; des hommes qui mentaient par eux-mêmes et qui contre eux-mêmes proclamaient la vérité. Ah ! qu’ils étaient éloignés d’accompagner ces étrangers à la recherche du Christ, quoiqu’ils eussent appris d’eux que c’était après avoir vu son étoile qu’ils étaient venus l’adorer ; de les conduire eux-mêmes dans cette cité de Bethléem de Juda, qu’ils venaient de leur faire connaître d’après les livres saints ; de contempler enfin, de comprendre et d’adorer avec eux ! Malheureux, qui sont morts de soif, après avoir montré à d’autres la fontaine de vie ; semblables à ces pierres milliaires qui indiquent la route aux voyageurs et qui demeurent insensibles et immobiles. Les Mages donc cherchaient pour trouver, Hérode cherchait pour tuer ; quant aux Juifs ils lisaient le nom de la ville où naissait le nouveau Roi, mais ils ne comprenaient pas le temps de son arrivée. Placés entre l’amour pieux des Mages et la crainte sanguinaire d’Hérode, les Juifs se perdirent tout en indiquant Bethléem. Sans chercher alors le Christ qui venait de naître dans cette ville, ils devaient le voir plus tard ; le voir non pas silencieux mais rendant ses oracles, le renier et le mettre à mort. Combien l’ignorance des enfants qu’Hérode persécuta dans sa frayeur, était préférable à la science de ces docteurs qu’il consulta dans son trouble ! Sans pouvoir confesser encore le Christ, ces enfants purent souffrir pour lui ; tandis qu’après avoir pu connaître la ville où il était né, ces docteurs ne s’attachèrent point à la vérité qu’il prêchait.

3. C’est bien l’étoile qui conduisit les mages au lieu précis où était Dieu même, le Verbe devenu enfant. Rougis enfin, folie sacrilège, science ignorante, si je puis parler ainsi, qui t’imagines que le Christ en naissant fut soumis à l’arrêt des astres, parce que, d’après l’Évangile, des Mages virent, à sa naissance, son étoile en Orient. Tu n’aurais pas raison, alors même que les autres hommes seraient, en naissant, assujettis de cette sorte à la fatalité, puisqu’ils ne naissent pas, comme le Fils de Dieu, par leur volonté propre, mais d’après les lois d’une nature mortelle. Or, il est si peu vrai que le Christ soit né sous l’empire des astres, qu’aucun de ceux qui ont la vraie foi chrétienne, ne

  1. Luc. 2, 14.
  2. Eph. 2, 14-20.
  3. Mat. 2, 2.