Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/191

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prophéties relatives au Christ et dont les événements accomplis ont fait éclater la lumière, s’il arrive aux païens que nous voulons gagner de nous objecter qu’elles ne sont pas si anciennes, que nous les avons fabriquées après coup pour donner aux faits l’air d’avoir été prédits ; nous ouvrons, pour dissiper ce doute, les exemplaires juifs. Ainsi les païens sont figurés par ces Mages à qui les Juifs faisaient connaître d’après l’Écriture la ville où était né le Christ, sans qu’eux-mêmes se missent en peine soit de le rechercher, soit de le reconnaître.

4. Maintenant donc, mes bien-aimés, enfants et héritiers de la grâce, réfléchissez à votre vocation, et puisque le Christ a été révélé aux Juifs et aux Gentils comme étant la pierre angulaire, attachez-vous à lui avec un amour dont rien ne dompte la persévérance. Oui, dès le berceau où reposait son enfance, ceux qui étaient près et ceux qui étaient loin l’ont également connu ; les Juifs qui étaient près, dans la personne des bergers, et les Gentils qui étaient loin, dans la personne des Mages. Les uns sont venus à lui le jour même de sa naissance, et les autres aujourd’hui, d’après ce que l’on croit. S’il s’est manifesté aux premiers, ce n’est point parce qu’ils étaient savants ; aux seconds, ce n’est point parce qu’ils étaient justes. L’ignorance n’est-elle pas le caractère de ces pasteurs des champs, et l’impiété, la marque de ces Mages sacrilèges ? Les uns comme les autres, toutefois, ont été attirés par la pierre angulaire ; car elle est venue choisir ce qu’il y a d’insensé dans le monde pour confondre les sages [1], appeler les pécheurs et non les justes [2], afin que personne n’eût à s’enorgueillir de sa grandeur ni à désespérer de sa bassesse. Aussi n’est-il pas étonnant que les Scribes et les Pharisiens, pour se croire trop savants et trop justes, l’aient rejetée de leur édifice après avoir montré, par la lecture des oracles prophétiques, la ville où il venait de naître. Il n’en est pas moins devenu la première pierre de l’angle [3], accomplissant par sa Passion ce qu’il avait indiqué à sa naissance ; et pour ce motif attachons-nous à lui avec ce mur où je vois les restes d’Israël qui doivent leur salut au choix de la grâce [4]. Car ces Israélites, qui n’avaient pas à venir de loin pour se lier à la pierre angulaire, étaient figurés par les bergers, comme nous, qui avons été appelés de si loin, l’étions par les Mages, pour n’être plus des hôtes et des étrangers, mais pour être des concitoyens des saints, pour faire partie de la maison de Dieu, pour être bâtis ensemble sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, pour avoir comme principale pierre angulaire Jésus-Christ même ; lui qui a réuni les deux en un[5], afin de nous faire aimer l’unité dans sa personne, afin aussi de nous inspirer une ardeur infatigable à recueillir les rameaux qui, après avoir été greffés sur l’olivier franc en ont été détachés par l’orgueil pour s’attacher à l’hérésie, et que Dieu est assez puissant pour greffer de nouveau[6].

  1. 1Co. 1, 27.
  2. Mat. 9, 13.
  3. Psa. 117, 22.
  4. Rom. 11, 5
  5. Eph. 2, 11-22
  6. Rom. 11, 17-24.