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CHAPITRE CCI. POUR L’ÉPIPHANIE. III. LE MESSIE GLORIFIÉ.

ANALYSE. – Nous célébrons l’Épiphanie à aussi juste titre que la Nativité, car cette fête nous montre le Christ glorifié premièrement par l’apparition de l’étoile merveilleuse ; secondement par les adorations qu’il reçoit des Mages ; troisièmement par le titre de Roi des Juifs qu’ils lui donnent comme plus tard le lui donnera Pilate et comme pour faire une allusion future à cette prophétie du Sauveur : « Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres » ; quatrièmement enfin par le témoignage que les prêtres de Jérusalem rendent au Christ en présence des Mages, témoignage qui prélude au témoignage qu’ils doivent lui rends dans tout l’univers où ils seront dispersés.

1. Il y a quelques jours seulement nous célébrions la naissance du Seigneur ; nous célébrons aujourd’hui, à aussi juste titre, le jour solennel où il commença à se révéler aux Gentils. Des bergers juifs l’autre jour le contemplèrent aussitôt qu’il fut né ; des ? Mages venus d’Orient l’adorent aujourd’hui. C’est qu’en naissant il était déjà cette pierre angulaire sur laquelle devaient reposer les deux murailles de la circoncision et de l’incirconcision, accourant vers lui de directions fort opposées afin de s’unir en lui, en lui devenu notre paix pour n’avoir fait qu’un peuple des deux[1]. C’est ce qu’ont figuré les bergers parmi les Juifs, et les Mages parmi les Gentils ; en eux a commencé ce qui devait se développer et s’étendre dans l’univers entier. Ainsi donc célébrons avec une joie vive et toute spirituelle ces deux jours de la nativité et de la manifestation de Notre-Seigneur.

C’est à la voix d’un ange que les bergers juifs accoururent à lui, et les Mages de la gentilité à l’indication d’une étoile. Cette étoile couvre de confusion les vains calculs et les conjectures des astrologues, puisqu’elle conduit les adorateurs des astres à adorer plutôt le Créateur du ciel et de la terre. C’est lui en effet qui fit briller en naissant cette étoile nouvelle, comme il obscurcit en mourant le soleil déjà si ancien. À cette lumière commença la foi des Gentils, comme à ces ténèbres s’accusa la perfidie des Juifs. Qu’était-ce donc que cette étoile que jamais auparavant on n’avait aperçue parmi les astres, et qu’on ne put plus signaler ensuite ? Qu’était-elle, sinon le langage magnifique du ciel racontant la gloire de Dieu, oubliant, par son éclat tout nouveau, l’enfantement nouveau d’une Vierge et préludant à l’Évangile qui devait la remplacer dans l’univers entier quand elle aurait disparu ?

Qu’est-ce aussi que dirent les Mages en arrivant ? « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? » Quoi ! n’était-il pas né auparavant bien des rois des Juifs ? Comment se fait-il que des étrangers désirent avec tant d’ardeur connaître et adorer Celui-ci ? « Nous avons vu, disent-ils, son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer[2] ». Le chercheraient-ils avec tant d’ardeur, désireraient-ils l’adorer avec une piété si affectueuse, si dans ce Roi des Juifs ils ne voyaient en même temps le Roi des siècles ?

2. Aussi Pilate avait-il reçu comme un souffle de vérité, quand au jour de sa Passion il écrivit ainsi son titre : « Roi des Juifs », titre que les Juifs s’efforcèrent de corriger au lieu de se corriger eux-mêmes. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit », leur répondit Pilate[3] ; car il avait été dit, dans un psaume prophétique : « Ne change rien aux mots écrits du titre[4] ». Mais étudions ce grand et merveilleux mystère. Les Mages étaient des gentils, et Pilate également gentil : les premiers virent l’étoile dans le ciel, le second grava le titre sur la croix ; mais tous cherchaient ou reconnaissaient dans Jésus, non pas le Roi des Gentils, mais le Roi des Juifs. Quant aux Juifs mêmes on ne les vit ni suivre l’étoile, ni adopter le titre. Ah ! c’était l’emblème de ce que

  1. Eph. 2, 11-22.
  2. Mat. 2, 2.
  3. Jn. 19, 19, 22.
  4. Psa. 1, 6, 1.