Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/220

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le Verbe se soit changé en chair ; mais tout en restant Verbe il a pris une chair, tout en demeurant à jamais invisible, il est devenu visible quand il l’a voulu, et « il a habité parmi nous ». Qu’est-ce à dire, parmi nous? Parmi les hommes. Il est devenu l’un de nous, tout en restant unique. Unique pour son Père. Et pour nous ? Unique aussi comme Sauveur, car nous n’avons d’autre Sauveur que lui ; unique aussi comme Rédempteur, car nul autre ne nous a rachetés, rachetés, non pas avec de l’or ni avec de l’argent, mais au prix de son sang.

3. Considérons donc par quelles négociations il est parvenu à nous racheter. Il a été dit dans le Symbole : « Qui a été conçu du Saint« Esprit, qui est né de la Vierge Marie ». Mais enfin qu’a-t-il fait pour nous ? Le voici dans la suite du texte : « Il a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli ». Oui, c’est le Fils unique de Dieu, c’est Notre-Seigneur, qui a été crucifié : c’est le Fils unique de Dieu, c’est Notre-Seigneur, qui a été enseveli. Mais c’est comme homme qu’il a été crucifié, comme homme encore qu’il a été enseveli. Comme Dieu il n’a pas changé, comme Dieu il n’a pas été mis à mort ; pourtant Dieu a été mis à mort en tant qu’homme. « Car, s’ils l’avaient connu, dit l’Apôtre, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire[1] ». Il le montre ici comme Seigneur de la gloire, il confesse néanmoins qu’il a été crucifié. Déchirer ta tunique sans te blesser la chair, ce serait te faire injure ; si tu criais alors, ce ne serait pas pour dire Tu as déchiré ma tunique, mais : Tu m’as déchiré, tu m’as mis en lambeaux. Tu parlerais ainsi sans être blessé, et tu dirais vrai, lors même qu’en te manquant on n’aurait pas touché à ta chair. C’est ainsi que le Christ Notre-Seigneur a été crucifié. Il est vraiment le Seigneur, le Fils unique du Père ; il est notre Sauveur et le Seigneur de la gloire ; néanmoins il a été crucifié, mais crucifié dans sa chair ; enseveli, mais dans sa chair uniquement : l’âme elle-même n’était pas là ni au moment ni au lieu où on l’ensevelissait, et par sa chair seulement il gisait dans le sépulcre. Tu n’en reconnais pas moins en lui Jésus-Christ, le Fils unique, Notre-Seigneur. Qui donc a été conçu du Saint-Esprit, puis est né de la Vierge Marie ? Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur. Qui a été crucifié sous Ponce-Pilate ? Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur. Quia été enseveli ? Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur. – Comment ! je ne vois que la chair, et tu dis que c’est Notre Seigneur ? – Assurément, je le dis, car en voyant le vêtement j’adore Celui qui le porte. La chair en effet lui sert comme de vêtement ; car « ayant la nature de Dieu et ne croyant point usurper en s’égalant à Dieu, il s’est anéanti lui-même en prenant une nature d’esclave », non pas en perdant sa nature divine ; « et devenu semblable aux hommes, il a été par l’extérieur considéré comme homme[2] ».

4. Toutefois ne méprisons pas la chair envisagée en elle-même ; c’est quand elle était abattue qu’elle nous a rachetés. Pourquoi nous a-t-elle rachetés ? Parce qu’elle n’a pas été toujours abattue : « Le troisième jour il est ressuscité d’entre les morts ». C’est ce qui suit immédiatement dans le Symbole. Ainsi nous proclamons sa résurrection après avoir confessé sa passion. Qu’a-t-il fait en souffrant ? Il nous a appris ce que nous avons à souffrir, Et en ressuscitant ? Il nous a montré ce que nous devons espérer. Ici voilà le devoir et ici la récompense ; le devoir dans la passion et la récompense dans la résurrection. Mais il n’en est pas resté là après être ressuscité d’entre les morts. Qu’est-il dit ensuite ? « Il est monté au ciel ». Et maintenant où est-il ? « Il est assis à la droite du Père ». Ne vois pas ici la droite considérée par rapport à la gauche. La droite de Dieu signifie l’éternelle félicité, La droite de Dieu signifie l’ineffable, l’inestimable, l’incompréhensible béatitude, la prospérité sans fin. Telle est la droite de Dieu et c’est là qu’est assis le Sauveur. Qu’est-ce à dire : « Il est assis ? » C’est-à-dire qu’il y demeure, car on appelle siège[3] le lieu où demeure quelqu’un. Au moment donc où le vit saint Étienne, on ne se trompait pas en disant : « Il est assis à la droite du Père ». Que dit en effet saint Étienne ? « Voilà que je vois le ciel ouvert, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu[4] ». De ce qu’il l’ait vu debout, s’ensuit-il qu’il y aurait eu mensonge à dire alors : « Il est assis à la droite du Père ? » Il

  1. 1Co. 2, 8
  2. Phi. 2, 6-7
  3. Le siège de l’empire, par exemple, est le lieu habité par le gouvernement.
  4. Act. 7, 55