Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

poursuivez la justice. Voulez-vous, non pas frapper l’air avec le poing, mais abattre vigoureusement votre adversaire ? Châtiez votre corps et le réduisez en servitude, en vous abstenant de tout et en combattant loyalement ; pour recevoir en triomphe la récompense céleste et la couronne qui ne se flétrit point. Ce que nous faisons en vous en adjurant au nom de votre Rédempteur, achevez-le en examinant et en secouant votre cœur. C’est en priant Dieu et en maudissant le vieil ennemi que flous résistons à ses desseins perfides ; pour vous, employez avec persévérance la contrition et les désirs du cœur pour vous arracher à la puissance des ténèbres, et pour parvenir au royaume où brille la gloire de Dieu. Telle est, pour le moment, votre œuvre, telle votre application. Nous jetons sur cet esprit coupable les anathèmes que méritent ses œuvres perverses ; livrez-lui plutôt un glorieux combat en vous éloignant de lui et en le reniant comme le veut la religion. Il faut abattre, enchaîner et bannir cet ennemi de Dieu, de vous et surtout de lui-même ; car si sa haine s’élève avec insolence contre Dieu et contre vous avec rage, à lui elle est fatale. Qu’il soit partout altéré de sang, qu’il tende des pièges, qu’il aiguise toutes les langues perfides qui lui obéissent, rejetez de vos cœurs son venin en invoquant le nom du Sauveur.

7. Bientôt va ressortir, bientôt va être mis à nu tout ce qu’il se proposait par ses inspirations criminelles, par ses honteux appas. À bas les chaînes tyranniques par lesquelles il vous retenait captifs ; à bas le joug qu’il faisait peser cruellement sur vous, et qui va être replacé sur sa tête ; seulement, pour obtenir votre délivrance, donnez votre assentiment à votre Rédempteur, et confiez-vous en lui. Assemblée du peuple nouveau, peuple naissant qu’a formé le Seigneur, aide à ton enfantement et ne deviens pas un avorton misérable. Vois le sein de ta mère, la sainte Église, vois comme elle travaille et gémit pour te mettre au jour, pour te produire à la lumière de la foi. Ah ! prenez garde d’imprimer par votre impatience de trop fortes secousses aux entrailles maternelles et de rendre plus étroite la porte par où vous devez passer à la vie. Loue ton Dieu, peuple naissant, loue ton Seigneur, loue-le, toi que Dieu crée. Loue-le parce qu’il te donne du lait ; loue-le parce qu’il te nourrit, et puisqu’il te donne des aliments célestes, avance en sagesse et en âge. N’a-t-il pas connu ces progrès dans sa croissance temporelle Celui qui ne meurt pas quand le temps lui manque, et qui ne grandit pas quand il s’allonge, attendu qu’il a banni de son éternité toute fin et toute espèce de temps ? « Gardez-vous, comme le disait à son élève un bienveillant précepteur, de devenir enfants par l’intelligence ; mais soyez petits enfants en malice et hommes faits en intelligence[1] ». Postulants, grandissez avec ardeur en Jésus-Christ, afin d’atteindre dans la jeunesse les proportions de l’homme parfait. Par vos progrès dans la sagesse, faites, comme il est écrit, la joie de votre père, et abstenez-vous d’être, par votre relâchement, la tristesse de votre mère[2].

8. Aimez ce que vous devez être ; car vous devez être les fils de Dieu, ses fils adoptifs incomparable privilège qui vous sera accordé gratuitement et dont vous jouirez d’autant plus amplement que vous montrerez plus de gratitude à Celui qui en est la source. Courez donc à lui, car il sait ceux qui lui appartiennent, et il ne dédaignera pas de vous voir au nombre de ces derniers, si en invoquant son nom vous renoncez à toute injustice[3]. Les parents que vous avez ou que vous aviez dans le monde, vous ont engendrés pour le travail, pour la souffrance et pour la mort ; mais comme, heureusement orphelins, chacun de vous peut dire : « Mon père et ma mère m’ont abandonné[4] » ; ô chrétien, reconnais pour Père Celui qui en leur absence te recueille quand tu quittes le sein de ta mère et à qui disait fidèlement un de ses enfants fidèles : « Du sein de ma mère, vous êtes mon appui[5] ». Ce Père est Dieu même, et l’Église est cette mère. Que la vie qu’ils vous donnent est différente de la vie que vous avez reçue de vos premiers parents ! Ce n’est pas en effet pour le travail, pour la misère, pour les pleurs, pour la mort qu’ils vous enfantent ; mais pour l’aisance, pour la félicité, pour la joie, pour la vie. La naissance que donnent les uns est digne de lamies, celle qui vient des autres est digne d’ambition. Par suite de l’ancien péché les premiers nous engendrent pour la peine éternelle ; les seconds nous régénèrent pour abolir et la peine et la faute. Ainsi sont régénérés

  1. 1Co. 14, 20
  2. Pro. 10, 1 ; 15, 20
  3. 2Ti. 2, 19
  4. Psa. 26, 31
  5. Psa. 21, 11