Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/25

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vous fait intercéder près de lui en ma faveur. Que votre charité m’écoute avec patience, et si j’ai peine à exposer ces obscures questions, que je puisse au moins me faire entendre aisément. Ne serait-il pas trop laborieux de lutter en même temps contre ces deux obstacles ? Plaise à Dieu néanmoins que nos efforts ne soient pas stériles ! Afin donc de les rendre profitables, écoutez avec patience. L’Apôtre ne condamne pas la loi : nous l’avons, je crois, montré suffisamment hier à ceux qui nous ont suivi. Voici en effet ses paroles : « Que dirons-nous donc ? Que la loi est un péché ? Loin de là. Mais je n’ai connu le péché que par la loi ; car je ne connaîtrais point la concupiscence, si la loi ne disait Tu ne convoiteras pas. Or, prenant occasion du commandement, le péché a excité en moi toute concupiscence ; car le péché, sans la loi, est mort » ; il est endormi, ne se montre point. « Et moi je vivais autrefois sans la loi. Mais quand est venu le commandement, le péché a revécu. Et moi je suis mort, et il s’est trouvé que ce commandement qui devait me donner la vie (qu’y a-t-il en effet de plus propre à la donner que ces mots : « Tu ne convoiteras pas ?), m’a causé la mort. Ainsi le péché, prenant occasion du commandement, m’a séduit et par lui m’a tué ». Celui-ci menaçait la concupiscence, mais ne l’éteignait pas ; il la menaçait, mais sans la réprimer, faisant craindre le châtiment et non pas aimer la justice. « Ainsi donc, poursuit-il, la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon. Ce qui est bon est donc devenu pour moi la mort ? Loin de là ». Ce n’est pas la loi, mais le péché qui est la mort. Et à l’occasion du commandement que s’est-il produit ? Le péché, pour se montrer péché » ; car il était inconnu quand on le disait mort ; « « le péché a, parce qui est bon, opéré la mort, de sorte qu’ » à cause de la prévarication qui s’y ajoute, « le pécheur dépasse toute mesure puisqu’il pèche par le commandement même ». De fait, s’il n’y avait pas de commandement, la prévarication ne mettrait pas le comble au péché. L’Apôtre ne dit-il pas ailleurs expressément : « Il n’y a pas de prévarication, quand il n’y a pas de loi[1] ? » Pourquoi maintenant, pourquoi douter encore que si la loi a été donnée, c’est afin d’apprendre à l’homme à se connaître ? L’homme s’ignorait quand Dieu ne lui interdisait pas le mal ; il n’a senti sa langueur qu’en entendant la proclamation de la défense. C’est alors qu’il s’est reconnu, plongé dans le mal. Mais où se fuir, puisqu’il se porte partout avec lui ? Que lui sert, hélas ! de se connaître, puisqu’il ne voit en lut que des plaies ?

2. Voici donc ; dans la lecture d’aujourd’hui, le langage d’un homme qui a appris à se connaître. « Nous savons, dit-il, que la loi est spirituelle ; et moi je suis charnel, vendu comme esclave au péché. Aussi j’ignore ce que je fais ; car le bien que je veux, je ne le fais pas, mais je fais le mal que je hais ». La question qui s’agite ici avec beaucoup d’application est de savoir si c’est de l’Apôtre même qu’il s’agit ici, ou de quelqu’autre qu’il personnifierait en lui, comme il le faisait quand il disait ailleurs : « Au reste j’ai représenté cela en moi et dans Apollo, à cause de vous, afin de vous instruire[2] ». Mais si c’est l’Apôtre qui parle ici, et personne n’en doute, si c’est de lui et non pas d’un autre qu’il dit : « Je ne fais pas ce que je veux, et je fais ce que je hais », à quoi nous arrêter, mes frères ? Serait-il vrai que tout en ne voulant pas commettre d’adultère, par exemple, l’apôtre Paul s’y laissait aller ? qu’il était avare sans vouloir être avare ? Qui d’entre nous oserait se charger d’un tel blasphème, avoir une telle idée de cet Apôtre ? Peut-être donc est-il ici question de quelque autre, de toi, de lui, de moi. Or, s’il en est ainsi, prêtons l’oreille à ce qu’il semble s’attribuer, pour nous amender sans nous irriter. Et si c’est de lui-même qu’il s’agit, car il est possible qu’il s’en agisse, ne comprenons pas ces mots : « Je ne fais pas ce que je veux, mais ce que je hais », dans ce sens qu’il voudrait être chaste, et serait adultère ; miséricordieux, et serait cruel ; pieux, et serait impie. Non, n’entendons pas ainsi ces mots : « Je ne fais pas ce que je veux, mais ce que je hais ».

3. Alors, que veut-il dire ? Je veux ne convoiter pas et je convoite. Que contient la loi ? Tu ne convoiteras pas ». L’homme a entendu cette défense, il a reconnu sa faute, il a déclaré

  1. Rom. 4, 15
  2. 1Co. 4, 6