Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/24

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pécher au-delà de toute mesure, puisque c’est pécher par le commandement même ». Remarquez : « C’est pécher au-delà de toute mesure ». Pourquoi « au-delà de toute mesure ? » Parce que c’est ajouter la prévarication au péché, « la prévarication n’existant pas, quand il n’y a point de loi[1] ».

14. Aussi considérez, mes frères, considérez que le genre humain prend sa source dans cette première mort du premier homme, car c’est par le premier homme que « le péché est entré dans ce monde, et par le péché la mort qui a passé à tous les hommes[2] ». Remarquez bien cette expression : « qui a passé » ; examinez-en le sens avec attention. « La mort a passé à tous les hommes » ; voilà ce qui rend coupable le petit enfant : il n’a point commis, mais il a contracté le péché. Le premier péché, effectivement, ne s’est pas arrêté à sa source, « il a passé », non pas à celui-ci ou à celui-là, mais « à tous les hommes ». Le premier pécheur, le premier prévaricateur a engendré des pécheurs condamnés à mort. Le Sauveur pour les guérir est né d’une Vierge. Il n’est donc pas venu à toi par le chemin que tu as suivi, puisqu’il n’est pas né de l’union des sexes, de l’esclavage de la concupiscence. « L’Esprit-Saint surviendra en toi », fut-il dit à la Vierge. Il lui fut dit avec toute la chaleur de la foi et non avec les ardeurs de la convoitise charnelle : « L’Esprit-Saint surviendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre[3] ». Comment, sous un tel ombrage, brûler des flammes de la passion ? Eh bien ! c’est précisément parce qu’il n’est pas venu dans ce monde par la même route que toi, que le Sauveur te peut délivrer. En quel état t’a-t-il trouvé ? Tu étais vendu comme esclave au péché, frappé de la même mort que le premier homme, enveloppé dans son péché et coupable avant d’avoir ton libre arbitre. Voilà en quelle situation ton Rédempteur t’a trouvé quand tu étais tout petit encore. Mais aujourd’hui tu n’es plus enfant ; tu as grandi, tu as ajouté de nombreux péchés au premier péché ; la loi t’a été donnée et tu es devenu prévaricateur. Prends garde pourtant au découragement Où le péché a abondé, a surabondé la grâce[4] ». Tournons-nous vers le Seigneur, etc. (Voir tom. 6, serm. I.)


SERMON CLIV.
PRONONCÉ AU TOMBEAU DE SAINT CYPRIEN.
LA PERFECTION DERNIÈRE[5].

ANALYSE. – Après avoir résumé ce qu’il a dit dans le discours précédent, saint Augustin répète que la loi nous a été donnée pour nous faire connaître nous-mêmes à nous-mêmes. Or, que révèle-t-elle en nous ? Saint Paul se plaint douloureusement d’être asservi au péché, c’est-à-dire à la concupiscence. Mais est-ce de lui-même que parle saint Paul ? On ne peut en douter en rapprochant du texte que nous expliquons d’autres passages de ses Épîtres. Il n’était donc ni entièrement charnel, puisqu’il ne consentait pas au péché, ni entièrement spirituel, puisqu’il ressentait encore des mouvements déréglés, mais spirituel et charnel tout à la fois. Ainsi en est-il des hommes les plus saints : ils doivent lutter toute leur vie, et c’est après la mort seulement, c’est après la résurrection, qu’ils parviendront à la perfection suprême et ne ressentiront plus les attraits de la concupiscence.

1. Vous qui étiez hier au sermon, vous avez entendu la lecture qu’on y a faite dans une épître de l’Apôtre saint Paul. La lecture d’aujourd’hui est prise immédiatement après celle-là ; c’est toujours ce passage difficile et dangereux que nous avons résolu d’expliquer et d’éclaircir devant vous, avec l’aide que le Seigneur daigne m’accorder et qu’il proportionne à l’affection pieuse qui

  1. Rom. 4, 15
  2. Id. 5, 12
  3. Luc. 1, 35
  4. Rom. 5, 20
  5. Rom. 7, 15-24