Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/56

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qui préfèrent les attraits de la justice aux voluptés et aux joies des sens ; mais parmi vous y a-t-il un homme qui méprise pour elle les châtiments, les douleurs et la mort ? Contentons-nous au moins d’élever nos pensées à la hauteur de dispositions que nous n’osons nous flatter d’avoir. Où trouver ces dispositions ? Où les rencontrer ? Il y a sous nos yeux des milliers de martyrs en qui reluit ce véritable et sincère amour de la justice. C’est en eux que se vérifie cette recommandation Considérez, mes frères, comme la source de toute joie, les afflictions diverses où vous pouvez tomber, sachant que l’épreuve de votre foi engendre la patience ; or la patience rend les œuvres parfaites[1] ». Eh ! que manque-t-il à la patience pour rendre les œuvres parfaites ? Elle est embrasée d’amour et de zèle, elle foule aux pieds tout ce qui flatte et elle se précipite en avant. La voici en face de difficultés, d’horreurs, d’atrocités, de menaces ; elle foule encore tout cela, elle s’en rit et s’élance. Oh ! n’est-ce pas là aimer, marcher, mourir à soi et parvenir jusqu’à Dieu ? Qui aime son âme, la perdra ; et qui pour moi l’aura perdue, la gagnera pour l’éternelle vie ». Voilà, voilà comment doit se préparer un ami de la justice, un ami de l’invisible beauté. « Dites en plein jour ce que je vous dis dans les ténèbres, et prêchez sur les toits ce que je vous confie à l’oreille[2] ». Que signifie : « Publiez en plein jour ce que je vous dis dans les ténèbres ? » Annoncez avec confiance ce que je vous dis et ce que vous entendez au fond du cœur. « Et prêchez sur les toits ce que je vous confie à l’oreille ». Que signifie encore : « Ce que je vous confie à l’oreille ? » Ce que je vous dis secrètement, parce que vous craignez encore de le confesser et de le publier. Que signifie enfin : « Prêchez sur les toits ? » Vos demeures sont vos corps ; vos demeures sont vos organes charnels. Ah ! monte sur le toit, foule aux pieds la chair et prêche ma parole.

9. Avant tout cependant, mes frères, déplorez ce que vous étiez, et vous pourrez devenir ce que vous n’êtes pas encore. Ce que je dis est important : comment y arriver ? Ce que je dis est la perfection la plus élevée, la perfection suprême : comment y atteindre ? Toute grâce, excellente et tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des lumières, en qui il n’y a ni changement, ni ombre de vicissitudes[3] ». De lui vient ce qu’il y a de bon en nous, et de lui ce que nous n’avons pas encore. Vous manquez ? « Demandez, et vous recevrez. Si vous, dit le Sauveur, tout mauvais que vous soyez, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père, céleste accordera-t-il ce qui est bon à ceux qui l’implorent[4] ? » À chacun donc de s’examiner, et s’il trouve en lui quelque don qui ait rapport à la justification, qu’il en rende grâces à Celui qui en est l’auteur ; et tout en lui rendant grâces de ce qu’il a reçu, qu’il lui demande ce qu’il n’a pas reçu encore ; car si tu gagnes à recevoir, lui ne perd rien à donner ; et quelle que soit ton avidité, quelque dévorante que soit ta soif, tu pourras toujours te plonger dans cette source.

  1. Jac. 1, 2-4
  2. Mat. 10, 39, 27
  3. Jac. 1, 17
  4. Mat. 5, 7.11