Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/58

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peu juste, de te l’attribuer ; non, si ta vie est sage, si tu observes les divins commandements, ne te l’attribue pas : ce serait chercher à établir ta propre justice. Reconnais à qui tu dois et de qui tu tiens tout ce que tu possèdes. Tu n’as rien effectivement que tu ne l’aies reçu, or, « si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu[1] ? » Te glorifier de cette manière, c’est te glorifier de toi ; mais celui qui se glorifie ne doit-il pas se glorifier du Seigneur ? » Conserve le bienfait, mais n’oublie pas le Bienfaiteur. Lorsque le Seigneur promettait d’envoyer son Esprit, il disait : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein[2] ». D’où viennent en toi ces fleuves ? Rappelle-toi ton ancienne aridité ; car si tu n’avais été desséché, tu n’aurais pas eu soif, et n’ayant pas soif tu n’aurais pas bu. Que veux-je dire par ces mots : n’ayant pas soif, tu n’aurais pas bu ? Je veux dire que tu n’aurais pas cru en Jésus-Christ, si tu ne t’étais senti dans le besoin. Aussi, avant de dire : « Des fleuves d’eau vive couleront de son sein », il a dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et qu’il boive ». Pour avoir ces fleuves d’eau vive, il faut boire ; pour boire, il faut avoir soif. Tu avais donc soif : pourquoi vouloir alors te glorifier comme si ces fleuves venaient de toi ? Oui, « que celui qui se glorifie, se glorifie du Seigneur ».

3. « Pour moi, mes frères, poursuit l’Apôtre, « lorsque je suis venu vers vous, je ne suis point venu vous annoncer le mystère de Dieu avec la sublimité du discours et de la sagesse ». il ajoute. « Ai-je prétendu parmi vous savoir autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié[3] ? » Mais ne savoir que cela, c’était ne rien ignorer. Quel trésor de science que Jésus-Christ crucifié ! L’Apôtre l’a mis devant les yeux des enfants comme un trésor enveloppé. Ces deux mots : « Jésus-Christ crucifié », que ne renferment-ils pas ? Ailleurs encore, comme il craignait que plusieurs ne se laissassent détourner du Christ par l’appât trompeur de la philosophie et d’une vaine science, il leur promit qu’ils auraient dans le Christ le trésor infini de la science et de la sagesse divine. « Prenez garde, dit-il, que personne ne vous séduise par la philosophie, par des raisonnements vains et trompeurs, « selon les principes d’une science mondaine, et non selon le Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la science et de la sagesse[4] ». Le Christ crucifié comprend ainsi tous les trésors de la sagesse et de la science. Ah ! prenez garde, dit saint Paul, de vous laisser séduire par le nom menteur de science. Approchez-vous plutôt du trésor caché, enveloppé, et demandez qu’il vous soit découvert.

Philosophe égaré de ce monde, ce que tu cherches n’est rien ; c’est Celui que tu ne cherches pas qui est quelque chose. À quoi te sert d’avoir cette soif dévorante, puisque tu marches dédaigneusement sur la fontaine ? Tu méprises l’humilité, mais c’est que tu n’en comprends pas la majesté. « Si on l’avait connu, jamais on n’aurait crucifié le Seigneur de gloire[5] ». Oui, « Jésus-Christ crucifié ; je n’ai prétendu savoir parmi vous que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » ; que son humilité, dont se moquent les orgueilleux, mais pour attirer sur eux cette sentence : « Vous avez châtié les superbes ; maudits ceux qui s’écartent de votre loi[6] ». Or, quelle est cette loi de Dieu, sinon de croire en lui et de nous aimer les uns les autres ? En lui, c’est-à-dire en qui ? En Jésus-Christ crucifié. Ah ! écoutons avec sagesse ce que refuse d’écouter l’orgueil. Le commandement imposé par Dieu est de croire, en qui ? au Christ crucifié ; oui, ce qu’il nous commande, c’est de croire au Christ crucifié, c’est bien cela sans doute. Mais cet orgueilleux lève la tête, il se gonfle la poitrine, il s’enfle la bouche et se moque insolemment du Christ crucifié. « Maudits ceux qui s’écartent de vos préceptes ! » Pourquoi se moquent-ils, sinon parce qu’en face d’une grossière enveloppe, ils ne voient pas le trésor qu’elle enferme ? On voit la chair, on voit l’homme, on voit la croix, on voit la mort ; et on rit de tout cela. Arrête, ne passe pas, retiens tes insultes et tes mépris ; attends, fouille ; n’y a-t-il pas à l’intérieur de quoi te charmer ? Et si tu y trouvais ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est point monté dans le cœur de l’homme[7] ? » L’œil voit le corps ; mais il y a au dedans ce que l’œil ne voit pas. L’oreille entend la voix ; mais il y a dans la voix ce que n’entend pas l’oreille. Dans le cœur monte, comme une

  1. Col. 2, 8.3
  2. 1Co. 2, 8
  3. Gal. 3, 1
  4. Col. 2, 8, 3
  5. 1Co. 2, 8
  6. Psa. 113, 21
  7. 1Co. 2, 9