Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/70

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Pour asservir l’âme au corps et en faire son vil esclave, il y a dans la fornication, surtout au moment où se consomme cette impure iniquité, une force impétueuse et irrésistible qui ne se rencontre nulle part ailleurs, et l’âme ne peut réellement alors connaître ou rechercher ce qui se passe brutalement dans ses organes. On peut admettre aussi que l’Apôtre a voulu parler de la fornication dans le sens le plus général, lorsqu’il a dit : « Tout autre péché commis par l’homme est hors du corps ; mais quand on commet la fornication, on pèche dans son propre corps ». Il faudrait alors entendre qu’en s’attachant au monde et non à Dieu, par l’amour et le désir des biens temporels, chacun pèche dans son propre corps, en ce sens que livré et assujetti à toutes les convoitises charnelles, il est tout entier l’esclave de la créature, et qu’il a rompu avec le Créateur par cet orgueil qui est le principe de tout péché et qui se révèle d’abord en rompant avec Dieu[1]. À quelque péché d’ailleurs qu’on fût entraîné par la corruption et la mortalité qui pèsent sur chacun, dès qu’on serait exempt de ce vice de fornication prise dans le sens général, on pécherait hors du corps ; car, nous l’avons dit plusieurs fois, ce serait être en quelque sorte hors du corps, que d’être étranger à cette convoitise vicieuse et charnelle. C’est seulement cette convoitise générale qui éloigne l’âme de Dieu et qui la prostitue dans tous les péchés qu’elle commet, la liant en quelque sorte et l’enchaînant à tous les désirs et à toutes les séductions du corps et du temps. Elle pèche ainsi dans son propre corps, puisque c’est pour obéir aux convoitises du corps qu’elle s’assujettit au monde et s’éloigne de Dieu ; ce qui est, répétons-le, le commencement de l’orgueil. Aussi pour nous détourner de ce vice général de fornication, le bienheureux Jean s’écrie : « N’aimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde ; car tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux et ambition du siècle : or, cette convoitise ne vient pas du Père, mais du monde. Or le monde passe et sa concupiscence aussi ; au lieu que celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement, comme Dieu même[2] ». Cet amour du monde qui en renferme toutes les convoitises, est donc bien la fornication générale qui se commet dans le corps ; attendu que l’âme ne travaille alors qu’à satisfaire les désirs et les impressions qu’excitent les choses visibles, matérielles et passagères, pendant qu’elle est délaissée et abandonnée misérablement par le Créateur universel.


SERMON CLXIII.
LE TEMPLE NOUVEAU OU LA VIE NOUVELLE[3].
PRONONCÉ DANS LA BASILIQUE D’HONORIUS, LE 8 DES CALENDES D’OCTOBRE (23 septembre).

ANALYSE. – I. Pour consacrer au vrai Dieu un temple d’idoles, il est des parties que l’on renverse totalement, et il en est d’autres que l’on sanctifie. Afin également de nous dévouer au service de Dieu, nous devons anéantir en nous le péché et vivre pour Jésus-Christ, le Sauveur envoyé de Dieu à la terre ; il nous faut par conséquent être en armes et combattre. Mais par quels moyens obtenir la victoire ? – II. Deux moyens sont nécessaires : l’humilité, et c’est pour nous l’inspirer que Dieu nous fait lutter longtemps et expérimenter notre faiblesse ; la grâce divine, et c’est parce que la loi ancienne ne la conférait pas qu’elle multipliait le péché, plutôt que de l’anéantir. Implorons donc avec foi le secours du Ciel.

1. En considérant, mes frères, ce que nous étions avant la grâce et ce que la grâce a fait de nous, nous nous convaincrons facilement que si les hommes s’améliorent, il est aussi des édifices qui deviennent comme les instruments de la grâce après avoir été élevés

  1. Sir. 10, 15, 14
  2. 1Jn. 2, 15-17
  3. Gal. 5, 16-21