Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

t-on, si l’on n’est pas envoyé[1] ? » Aussi, c’est parce que nous sommes envoyés que nous parlons. Écoutez-nous donc, écoutez en nous Celui qui nous envoie. C’est pour cela même, disent quelques-uns, que nous demandons à Dieu de nous faire persévérer dans la pratique des vertus que nous avons déjà et d’y ajouter celles qui nous manquent. Aussi avons-nous d’abord la foi qui prie. Tout, sans aucun doute, vient de Dieu ; car je lui ai tout demandé. Mais pour le prier j’ai commencé par croire. Ainsi je me suis donné la foi ; et c’est Dieu qui m’a donné ensuite ce que je lui ai demandé avec foi. Résolvons cette objection, attendu qu’elle ne manque pas d’importance. – Ne sembles-tu pas dire que tu as commencé par donner toi-même à Dieu, afin d’obtenir de lui ensuite ? car tu lui as présenté d’abord ta foi et ta prière. Mais oublies-tu ces paroles apostoliques : « Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui lui a donné des conseils ? Qui lui a donné d’abord pour être ensuite rétribué[2] ? » Tu prétends que c’est toi. Ainsi tu as donné le premier à Dieu et tu lui as donné ce que tu n’a pas reçu de lui ? Où as-tu trouvé, pauvre mendiant, de quoi lui donner ? Mais qu’avais-tu à lui donner ? Qu’as-tu effectivement que tu ne l’aies reçu ? Non, tu ne donnes à Dieu que ce que tu as reçu de lui ; il ne reçoit de toi que ce qu’il t’a donné ; et si le premier il ne t’avait donné, tu serais toujours, pauvre mendiant, dans le dénuement le plus complet.

6. En voici une preuve encore plus frappante. Admettons que vous avez reçu parce que vous aviez la foi. Mais ceux qui, comme Saut, ne croyaient pas encore ? Saul obtint d’abord de croire au Christ, et lorsqu’il crut en lui, il commença à l’invoquer. La grâce du Christ lui accorda donc de croire, puis en croyant de le prier et en priant d’obtenir le reste. Qu’en pensez-vous, mes frères ? Quand Saut n’avait pas encore la foi, ceux qui l’avaient priaient-ils ou ne priaient-ils pas pour lui ? Mais si l’on ne priait pas pour lui, que signifient ces paroles d’Étienne : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché[3] ? » Ainsi pour lui et pour les autres incroyants on demandait la foi. Ils ne l’avaient pas encore, et ils l’obtenaient grâce aux prières des fidèles ; et ils n’avaient rien encore à offrir à Dieu, avant d’avoir obtenu miséricorde pour être fidèles. Aussi, lorsque Saut fut converti ; lorsque la même parole l’eut renversé et relevé, renversé comme persécuteur et relevé comme prédicateur ; lorsqu’il eut commencé à annoncer la foi qu’il avait poursuivie, que disait-il de lui-même ? J’étais inconnu de visage aux églises de Judée qui étaient unies au Christ ; seulement elles entendaient dire : Celui qui nous persécutait il y a quelque temps, annonce maintenant la foi qu’il s’efforçait alors de détruire ; et elles bénissaient Dieu à mon sujet[4] ». Dit-il : Et elles me bénissaient à mon sujet ? Il dit : Et comme je prêchais la foi que j’avais cherché à anéantir, ce n’est pas moi qu’elles glorifiaient, c’est Dieu. Si donc Saut a quitté cette vieille, tunique que le péché avait mise en lambeaux, qui était toute dégoûtante de sang, pour prendre une robe d’humilité et devenir Paul, de Saut qu’il était, c’est à Dieu qu’il en est redevable. 7. Que signifie Paul ? Tout petit. « Je suis, « dit-il, le plus petit d’entre les Apôtres ». Voilà ce que signifie Paul. Paul en latin est synonyme de peu, de petit ; c’est ainsi que nous disons : Dans peu je te verrai, je ferai cela sous peu : post paulum, paulo post. Pourquoi Paul a-t-il donc pris ce nom ? Pour signifier qu’il était petit, le plus petit. « Je suis, dit-il, le plus petit d’entre les Apôtres, car je ne suis pas digne de porter le nom d’Apôtre, ayant persécuté l’Église de Dieu ». C’est la vérité, Dieu devait te condamner, et il t’a donné de quoi mériter la couronne. De qui, de qui as-tu reçu de quoi mériter la couronne ? Voulez-vous le savoir ? Écoutez, non pas moi, mais lui : « Je ne suis pas digne du nom d’Apôtre, dit-il, ayant persécuté l’Église de Dieu : par la grâce de Dieu néanmoins je suis ce que je suis ». Si c’est par la grâce de Dieu que tu es ce que tu es ; c’est donc par ta faute que tu étais ce que tu étais. « Et sa grâce, ajoute-t-il, n’a pas été stérile en moi ». Le voilà qui préconise la foi qu’il voulait autrefois anéantir ; et la grâce n’est pas nulle en lui, puisqu’il dit. « Elle n’a pas été stérile en moi, mais j’ai travaillé plus qu’eux tous ». Prends garde, tu commences à t’élever. Que fais-tu, Paul ? Tu étais si petit naguère. « J’ai travaillé plus qu’eux tous ». Par quel moyen ? Dis-le, puisque tu n’as rien que tu ne

  1. Rom. 10, 14-15
  2. Rom. 11, 34-35
  3. Act. 7, 59
  4. Gal. 1, 22-24