Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/93

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l’aies reçu ? Il s’arrête à l’instant même, et après avoir déclaré qu’il a travaillé plus qu’eux tous, il a peur en quelque sorte de ce qu’il a dit, et se montrant de nouveau dans son humilité : « Mais ce n’est pas moi, poursuit-il, c’est la grâce de Dieu avec moi[1] ».

8. Ainsi donc, mes frères, pour mieux connaître encore que la foi même nous vient du Seigneur notre Dieu, priez pour ceux qui ne l’ont pas encore. Quelqu’un d’entre vous a-t-il un ami qui n’ait pas la foi ? Je l’engage à prier pour lui. Mais est-il besoin que je l’y engage ? Le mari est chrétien, l’épouse ne l’est pas : et il ne prierait pas pour obtenir la foi à son épouse ? C’est l’épouse qui est chrétienne et le mari qui ne l’est pas : et cette femme pieuse ne prierait pas pour obtenir la foi à son mari ? Or, quand on prie pour cela, que fait-on ? Ne conjure-t-on pas Dieu de donner la foi ? La foi est ainsi un don de Dieu. Que nul donc ne s’élève, que nul ne se vante de s’être donné quoi que ce soit. « Celui qui se glorifie, doit se glorifier dans le Seigneur[2] ».


SERMON CLXIX
LA VIE CHRÉTIENNE[3].

ANALYSE. – Dans les quelques versets qui viennent d’être indiqués pour servir de thème à ce discours, saint Paul assigne à la vie chrétienne trois caractères opposés aux idées que se faisaient les Juifs. Ceux-ci mettaient leur gloire dans des avantages que saint Paul appelle charnels ; ils étaient surtout fiers d’être de la race d’Abraham : le chrétien, au contraire, se détache de tout l’extérieur pour ne s’attacher qu’à Jésus-Christ. Les Juifs, secondement, s’appuyaient sur leur propre justice, se croyaient capables de mériter le ciel : le chrétien au contraire ne compte que sur la grâce et la miséricorde du Sauveur. Troisièmement enfin, les Juifs s’estimaient parfaits : mais le chrétien, quoi qu’il ait fait, ne croit jamais avoir atteint à la perfection. En développant, en expliquant le texte de l’Apôtre, saint Augustin assigne ces mêmes caractères à la vie chrétienne.

1. Que votre sainteté s’applique à bien écouter et à bien comprendre cette leçon que nous fait l’Apôtre ; que vos pieux désirs nous obtiennent en même temps du Seigneur notre Dieu la grâce de vous expliquer convenablement et utilement les idées qu’il daigne nous révéler. Pendant que se faisait la lecture, vous avez entendu l’apôtre saint Paul nous dire : « Car c’est nous qui sommes la circoncision, nous qui servons l’Esprit de Dieu ». La plupart des manuscrits portent, je le sais : « Nous qui servons Dieu en esprit » ; mais les textes grecs que nous avons pu consulter, disent : « Nous qui servons l’Esprit de Dieu ». Du reste, il n’y a point là de difficulté ; les deux sens sont également clairs et orthodoxes, puisqu’il est vrai que nous servons l’Esprit de Dieu, vrai aussi que nous servons Dieu en esprit et non pas selon la chair. Servir Dieu selon la chair, ce serait compter lui plaire par ce qui tient à la chair. Mais lorsque, pour faire le bien, la chair même est soumise à l’esprit, c’est en esprit que nous servons Dieu. Alors en effet nous domptons la chair pour soumettre à Dieu l’esprit qui la gouverne ; et l’esprit ne saurait la gouverner comme il convient, s’il n’est gouverné lui-même.

2. « C’est nous qui sommes la circoncision ». Examinez ce que l’Apôtre veut faire entendre par cette circoncision qui fut imposée sous le règne des ombres mystérieuses et qui a été abrogée à l’apparition de la lumière véritable. Pourquoi ne dit-il pas : C’est nous qui avons, mais : « C’est nous qui sommes la circoncision ? » C’est comme s’il avait voulu dire C’est nous qui sommes la justice, attendu que la circoncision est justice. Mais être justice,

  1. 1Co. 15, 9, 10
  2. 1Co. 1, 31
  3. Phi. 3, 3-16