Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/134

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ainsi : Et maintenant que je suis constitué roi, ne vous en affligez point, ô rois de la terre, comme d’un empiétement sur vos privilèges ; mais plutôt instruisez-vous et comprenez qu’il vous est avantageux de vivre sous la tutelle de celui qui vous donne l’intelligence et l’instruction. L’avantage qui vous en reviendra, sera de ne point régner à l’aventure, mais de servir avec tremblement le Seigneur de tous, de vous réjouir dans l’attente d’une félicité sans mélange, vous tenant en garde et dans la circonspection contre l’orgueil qui vous en ferait déchoir.

10. « Emparez-vous de la doctrine, de peur qu’un jour le Seigneur n’entre en colère, et que vous ne perdiez la voie de la justice[1] ». C’est ce qu’a déjà dit le Prophète : « Instruisez-vous et comprenez » ; car s’instruire et comprendre, c’est s’emparer d’une doctrine. Cependant l’expression : «  apprehendite, emparez-vous », désigne assez clairement un certain abri, un rempart contre tout ce qui pourrait arriver, si l’on apportait moins de soin à s’emparer. « De peur qu’un jour le Seigneur ne s’irrite », renferme un certain doute, non point dans la vision du prophète, qui en a la certitude, mais dans l’esprit de ceux qu’il avertit ; car ceux qui n’ont point une révélation claire de la colère n’y pensent d’ordinaire qu’avec doute. Ceux-là donc doivent se dire : « Emparons-nous de la doctrine, de peur que le Seigneur ne s’irrite, et que nous ne perdions la voie de la justice ». Déjà nous avons exposé plus haut comment « s’irrite le Seigneur ( Sup. no 4) ». « Et que vous perdiez la voie de la justice ». C’est là un grand châtiment, que redoutent ceux qui ont déjà goûté les douceurs de la justice. Celui qui perd la voie de la justice, doit errer misérablement dans les voies de l’iniquité.

11. « Quand bientôt s’enflammera sa colère, bienheureux ceux qui auront mis en lui leur confiance[2] ». C’est-à-dire, quand éclatera cette vengeance qui est préparée aux pécheurs et aux impies, non seulement elle épargnera ceux qui auront mis leur confiance dans le Seigneur, mais elle servira à leur établir, à leur élever un trône bien haut. Le Prophète ne dit pas : « Quand bientôt s’enflammera sa colère, ceux qui se confient en lui seront en sûreté » ; comme s’ils devaient seulement échapper à la vengeance : mais il les appelle « bienheureux », ce qui exprime la somme, le comble de tous les biens. Quant à l’expression : «  In brevi, bientôt », elle signifie, je crois, quelque chose de soudain, pour les pécheurs, qui ne l’attendront que dans un lointain avenir.


DISCOURS SUR LE PSAUME 3

DAVID EN FACE D’ABSALON OU JÉSUS EN FACE DE JUDAS.

L’Église triomphe de ses persécuteurs, et l’âme chrétienne de ses passions.

PSAUME DE DAVID QUAND IL FUYAIT DEVANT LA FACE DE SON FILS ABSALON.

1. Ces paroles du psaume : « Je me suis endormi, j’ai pris mon sommeil ; puis je me suis éveillé, parce que le Seigneur est mon protecteur[3] », nous font croire qu’il faut l’appliquer à la personne du Christ ; car elles conviennent beaucoup mieux à la passion et à la résurrection du Seigneur, qu’à ce fait que nous raconte l’histoire, que David s’enfuit devant la face de son fils révolté contre lui[4]. Et comme il est écrit des disciples du Christ : « Tant que l’Époux est avec eux, les fils de l’Époux

  1. Ps. 2,2
  2. Ps. 2,12
  3. Ps. 3,6
  4. 2 Sa. 15,17