Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/279

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c’est au nom de Jésus-Christ que je m’attache. Écoute ce que dit saint Paul : « Est-ce que c’est Paul qui a été crucifié pour vous, ou bien est-ce au nom de Paul que vous êtes baptisés ? »[1]. Je périrais si j’étais du parti de Paul, comment ne pas périr si je suis du parti de Donat ! Arrière donc les noms des hommes, les crimes des hommes, les rêveries des hommes ! « C’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir ; j’ai dit : C’est vous qui êtes mon Dieu. Ce n’est point un homme, quel qu’il soit ; c’est vous qui êtes mon Dieu. L’un avance, l’autre meurt ; pour Dieu, il n’y a ni mort ni progrès ; il n’y a nul progrès puisqu’il est parfait, comme nulle mort puisqu’il est éternel. « J’ai dit au Seigneur : C’est vous qui êtes mon Dieu ».
13. « Mon sort est entre vos mains »[2]. Non pas entre les mains des hommes, mais entre vos mains. Quel est mon sort ? Pourquoi l’appeler sort ? Le nom de sort ne doit point vous faire croire à des sortilèges. Le sort n’a rien de mauvais, mais dans le doute il indique aux hommes la volonté de Dieu. Les Apôtres eux-mêmes jetèrent le sort pour choisir un successeur à ce Judas qui périt après avoir trahi le Sauveur, ainsi qu’il était écrit de lui : « Il s’en est allé à sa place » : le suffrage des hommes en avait choisi deux, et l’un de ces deux fut choisi par le jugement de Dieu. Car il fut consulté pour savoir lequel des deux il voulait pour apôtre, et le sort tomba sur Matthias »[3]. Qu’est-ce donc : « Mon sort est entre vos mains ? » Autant que j’en puis juger, il appelle sort, la grâce par laquelle nous sommes sauvés. Pourquoi donner le nom de sort à la grâce de Dieu ? Parce que, dans le sort, il n’y a point de choix, mais la volonté de Dieu. Dire en effet : Celui-ci a fait le pacte, cet autre non, c’est considérer les mérites ; et quand on pèse lus mérites, il y a un choix, et non plus un sort : et lorsque Dieu ne trouve en nous aucun mérite, il nous, sauve par le sort de sa volonté, c’est-à-dire parce qu’il le veut, et son parce que nous en étions dignes, voilà le sort. C’est avec raison que la tunique du Sauveur, tissue de haut en bas[4], symbole de la charité éternelle, et que les bourreaux ne pouvaient partager, fut tirée au sort ; ceux qui l’eurent ainsi sont l’image de ceux qui partagent le sort des saints. « C’est la grâce qui nous sauve au moyen de la foi, et cela ne vient point de vous (c’est bien là le sort), cela ne vient point de vous, mais c’est un don de Dieu. Ce n’est point là le bénéfice de vos œuvres » (comme si vous aviez fait des œuvres capables de vous en rendre dignes), « ce n’est point le bénéfice de vos œuvres, afin que nul ne s’en glorifie. Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ dans les bonnes œuvres »[5]. Le sort, en ce sens, est comme une secrète volonté de Dieu. C’est donc un sort à l’égard des hommes, un sort qui émane de la secrète volonté de Dieu, en qui n’habite pas l’injustice[6]. Car il ne fait point acception des personnes, mais sa justice cachée est un sort pour vous.
14. Redoublez donc d’attention, mes frères, et voyez comment l’apôtre saint Pierre vient confirmer cette doctrine. Quand Simon le Magicien, baptisé par Philippe, s’attachait à lui sur la foi des miracles opérés en sa présence[7], les Apôtres vinrent à Samarie, où le magicien lui-même avait embrassé la foi et reçu le baptême. Ils imposèrent les mains sur les fidèles nouvellement baptisés, qui reçurent le Saint-Esprit et se mirent à parler diverses langues. Simon fut saisi d’admiration et d’étonnement à la vue de ce miracle qui faisait descendre le Saint-Esprit sur des hommes auxquels d’autres hommes imposaient les mains : il désira, non point cette grâce, mais cette puissance, non ce qui le saurait délivrer, mais ce qui devait satisfaire sa vanité. Absorbé par ce désir, et le cœur plein d’orgueil, d’une impiété diabolique, d’un amour de grandeur qui méritait d’être abattu, il dit aux Apôtres : « Combien faut-il vous donner d’argent pour que le Saint-Esprit descende sur les hommes à qui j’imposerai les mains ? »[8] Cet homme qui ne cherchait que les choses temporelles, qui se tenait seulement autour de l’Église, pensait pouvoir à prix d’argent acheter le don de Dieu. Il crut qu’avec de l’argent il se rendrait maître de l’Esprit-Saint, et que les Apôtres seraient cupides, comme il était lui-même orgueilleux et impie. Mais Pierre lui dit : « Que ton argent périsse avec toi, qui as cru que le don de Dieu se peut acquérir à prix d’argent. Tu n’as ni part ni sort dans cette foi » ; c’est-à-dire, tu n’appartiens pas à cette grâce que nous avons

  1. 1 Cor. 1,13
  2. Ps. 30,16
  3. Act. 1,26
  4. Jn. 19,23
  5. Eph. 2,8-10
  6. Rom. 9,14
  7. Act. 8,13 ss
  8. Id.