Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/295

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Et de peur qu’il ne se trouvât certains hérétiques, pour croire que l’univers dans sa totalité a perdu la foi (car les hérétiques forment tous des sectes, et sont confinés dans certaines localités), et pour se vanter d’avoir conservé ce qui a disparu du reste du monde, aussitôt que le Seigneur a dit : « Pensez-vous que le Fils de l’homme, revenant au monde, y trouvera de la foi ? » l’Évangéliste ajoute : « S’adressant à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes et en leur justice, et qui méprisaient les autres, il proposa cette parabole : Un pharisien et un publicain vinrent au temple pour y prier[1] » ; et le reste que vous savez. Ce Pharisien disait donc : « Je vous rends grâces ». Mais où est son orgueil ? Dans son mépris pour les autres. Quelle preuve en avez-vous ? Dans ses paroles. Comment ? Ce pharisien, est-il dit, méprisait le publicain, qui se tenait éloigné, et que son aveu rapprochait de Dieu. « Le publicain n, dit encore l’Évangile, se tenait éloigné[2] ». Mais Dieu n’était pas éloigné de lui. Et pourquoi Dieu n’était-il pas éloigné de lui ? Parce qu’il est dit ailleurs : « Que le Seigneur est tout près de ceux qui ont le cœur brisé[3] ». Voyez si ce publicain n’avait pas le cœur brisé, et vous comprendrez que Dieu s’approche de ceux dont le cœur est contrit. « Le publicain se tenait éloigné, et n’osait lever des yeux vers le ciel, mais il frappait sa poitrine[4] ! » Frapper sa poitrine, n’est-ce pas un signe que l’on a le cœur contrit ? Que disait-il en frappant sa poitrine ? « Mon Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ». Et quel fut l’arrêt du Sauveur ? « En vérité, je vous le déclare, le publicain revint du temple en sa maison, plus justifié que le pharisien »[5]. Pourquoi ? Telle est la sentence du Seigneur. « Je ne suis point comme ce publicain, ni comme les autres hommes, qui sont injustes, voleurs et adultères : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède », dit le pharisien ; tandis que le publicain n’ose lever les yeux au ciel, qu’il n’a d’attention que pour sa conscience, qu’il se tient debout, et qu’il est plus justifié que le pharisien. Mais pourquoi ? Expliquez-nous, Seigneur, je vous en supplie, expliquez-nous les mystères de votre justice, l’équité de votre sentence. C’est ce qu’il fait en nous exposant les règles de sa loi. Voulez-vous les entendre ? « C’est que tout homme qui s’élève sera abaissé, et que tout homme qui s’abaisse sera élevé[6] ! »
12. Redoublez, mes frères, votre attention, Nous avons dit que le publicain n’osait lever les yeux au ciel. Pourquoi ne pas regarder le ciel ? parce qu’il se considérait lui-même. Et il se considérait afin de se prendre en horreur et par là de plaire à Dieu. Pour toi, tu as la tête levée dans ton orgueil. Mais le Seigneur dit au superbe : Tu ne veux point te considérer ! Et moi-je te considère. Veux-tu que je te perde de vue ? jette les yeux sur toi-même, Le publicain donc n’osait lever les yeux au ciel, parce qu’il considérait sa conscience et se châtiait lui-même, il devenait son propre juge, afin que Dieu le prît en pitié ; il se châtiait, afin que Dieu le délivrât ; il s’accusait, afin que Dieu fût son défenseur. Et il se défendit en effet, puisqu’il prononça eu sa faveur : « Le publicain descendit chez lui, plus juste que le pharisien, parce que tout homme qui s’élève sera abaissé, et tout homme qui s’abaisse sera élevé ». Il s’est considéré lui-même, dit le Seigneur, et je n’ai point voulu le considérer : j’ai entendu sa prière : « Détournez vos yeux de mes iniquités ». Quel est celui qui a parlé de la sorte, sinon celui qui a dit aussi : « Je connais l’étendue de mon iniquité ». Le pharisien donc, mes frères, était aussi un pécheur. Bien qu’il ait dit : « Je ne suis point comme les autres hommes qui sont injustes, voleurs et adultères » ; bien qu’il ait jeûné deux fois la semaine, qu’il ait payé la dîme, il n’en était pas moins un pécheur. À défaut de tout autre péché, son orgueil en était un très grand ; et toutefois il tenait ce langage fastueux. Car enfin quel homme est sans péché, et qui pourra se glorifier d’avoir un cœur pur, ou se vanter d’être exempt de toute faute ? Le pharisien avait donc des péchés ; mais dans son aveuglement, il oubliait qu’il était venu dans le temple ; il était là comme ce malade qui, dans le cabinet du médecin, cache ses blessures, et n’étale que des membres en bon état. Que Dieu cache tes blessures ; ne le fais point toi-même ; si la honte que tu as te les fait cacher, le médecin ne les guérira point. Que le médecin les recouvre et les panse : car il les couvre d’un

  1. Id. 9
  2. Id. 13
  3. Ps. 50,19
  4. Lc. 18,13
  5. Id. 14
  6. Lc. 18,14