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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/296

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appareil salutaire. L’appareil du médecin guérit les blessures, l’appareil du blessé n’aboutit qu’à les dérober. Pourquoi les cacher à Celui qui voit tout ?
13. Reportons-nous donc, mes frères, à ce que dit le Prophète : « Mes os ont vieilli, parce que je gardais le silence, et néanmoins je criais tout le jour ». Quel sens donner à ces paroles qui paraissent contradictoires « Parce que je me suis tu, mes os ont vieilli à cause de mes cris ? » Si c’est parce qu’il a crié, comment a-t-il gardé le silence ? Il s’est tu en certaines occasions, il ne s’est point tu en d’autres ; il a tu ce qui l’aurait fait avancer dans le bien, il n’a point tu ce qui l’a fait déchoir ; il a tu l’aveu de ses fautes, il a crié tout haut sa confiance en lui-même. « Je me suis tu », dit-il, « et dès lors je n’ai fait aucun aveu ».C’était là pourtant qu’il fallait parler, taire ses mérites, crier ses péchés : et dans sa démence il a tu ses péchés, pour crier ses mérites. Alors qu’est-il arrivé ? Ses os ont vieilli. Remarquons-le bien : s’il avait crié ses péchés et tu ses mérites, ses os se fussent renouvelés, ou plutôt ses vertus : il serait devenu fort devant le Seigneur, parce qu’il aurait compris sa faiblesse. Maintenant qu’il a mis sa force en lui-même, il est devenu faible et ses os ont vieilli. Il est demeuré dans la faiblesse du vieillard, parce qu’il n’a point voulu rajeunir par l’aveu. Vous savez en effet, mes frères, comment l’homme se renouvelle : car « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, et dont les péchés sont couverts ». Celui-ci au contraire, loin d’accepter la rémission de ses fautes, en a grossi le nombre, les a défendues, et a vanté ses mérites. Donc, parce qu’il s’est tu, en ne confessant point ses péchés, ses os ont vieilli, u Pendant que je criais durant « tout le jour n. Qu’est-ce à dire qu’il criait tout le jour ? Qu’il persistait à défendre ses péchés. Et voyez néanmoins quel est cet homme, car il se connaît. Bientôt lui viendra l’intelligence ; il n’apercevra que lui-même, et se prendra en pitié, car il se connaît. Bientôt vous l’entendrez, afin de vous guérir vous-mêmes.
14. « Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a point imputé son péché, et dont la bouche ne recèle point la fraude. Car moi, je me suis tu et mes os ont vieilli, pendant que je criais tout le jour. Le jour et la nuit, en effet, votre main s’est appesantie sur moi.[1] » Que signifie cette parole : « Votre main s’est appesantie sur moi ? » Il y a là, mes frères, un sens profond. Rappelez-vous le juste arrêt que Dieu a prononcé à l’égard de ces deux hommes, du pharisien et du publicain. Qu’est-il dit du pharisien ? Qu’il est humilié ; et du publicain ? qu’il est élevé. Pourquoi l’un est-il abaissé ? parce qu’il s’est élevé ; et l’autre élevé ? parce qu’il s’est abaissé. Mais Dieu, pour abaisser l’homme qui s’élève, appesantit sa main sur lui. Il refuse de s’humilier par l’aveu, et il est humilié sous le poids de la main de Dieu. Autant cette main est dure pour nous humilier, autant elle est caressante pour nous relever. Elle a de la force pour l’un, et de la force encore pour l’autre : elle se montre forte en nous humiliant, comme elle est forte en nous relevant.
15. « Le jour et la nuit, votre main s’est appesantie sur moi, je me suis retourné dans ma douleur dont l’aiguillon me déchirait »[2]. Le poids de votre main, l’humiliation qui m’accable m’ont amené à la conversion, dans mon chagrin : la misère me saisit, l’aiguillon me déchire, et ma conscience en est meurtrie. Que lui est-il arrivé sous l’aiguillon de ces épines ? Il a ressenti sa douleur et reconnu sa faiblesse. Et lui qui n’avait point fait l’aveu de ses fautes, mais qui avait crié pour la défendre, au point d’émousser sa vertu, c’est-à-dire de hâter la vieillesse de ses os, qu’a-t-il fait sous la douleur de l’aiguillon ? « J’ai connu avion péché ». Donc il reconnaît ses fautes, et s’il les considère, Dieu en détourne les yeux. Écoutez la suite et voyez s’il ne dit point : « J’ai « reconnu mon péché, et je n’ai point caché mon injustice »[3]. Je disais tout à l’heure : Ne couvre point tes fautes, et Dieu les couvrira lui-même. « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, dont les péchés sont couverts ». Couvrir ses fautes, c’est se découvrir soi-même. Le psalmiste les découvre, afin de n’être pas découvert lui-même. « Je n’ai point couvert mon iniquité ». Qu’est-ce à dire : « Je n’ai point couvert ? » Jusque-là je me taisais : maintenant que fait-il ? « J’ai dit », ce qui est contraire au silence. « J’ai dit », mais qu’as-tu dit ? « Je confesserai contre moi mes prévarications au Seigneur, et vous m’avez remis l’impiété de mon âme »[4], « J’ai dit ». Qu’as-tu dit ? Il ne déclare pas encore, mais

  1. Ps. 31,4
  2. Id.
  3. Id. 5
  4. Id.