Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/324

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que bienheureux est l’homme qui a mis sa confiance en Dieu ; espérons aussi que Dieu nous ouvrira, si nous frappons à la porte. Il ne nous engagerait point à frapper, s’il ne voulait point ouvrir à ceux qui frappent[1]. S’il arrive quelquefois que celui-là même qui était résolu de tenir sa porte continuellement fermée, se lève néanmoins importuné, et ouvre malgré sa résolution, afin de n’entendre plus frapper[2] : comment ne pas espérer qu’il mettra plus d’empressement encore à nous ouvrir, celui qui a dit : « Frappez et l’on vous ouvrira ? » Je frappe donc de toute l’intention de mon cœur à la porte du Seigneur Dieu, afin qu’il daigne me découvrir ce mystère. Frappez, vous aussi, mes frères, par la bonne volonté de m’écouter, et par l’humilité avec laquelle vous prierez pour moi. Il y a là, il faut l’avouer, un grand mystère, difficile à pénétrer.
2. Voici le titre du psaume : « Psaume de David lorsqu’il changea son visage devant Abimélech qui le renvoya, et il s’en alla »[3]. Cherchons l’époque de ce fait dans les saintes Écritures où sont consignées les actions de David. Quand nous avons trouvé ce titre : « Psaume de David, quand il fuyait devant la face de son fils Absalon[4] » ; nous avons lu et nous avons rencontré dans les livres des Rois, à quelle époque David avait fui devant son fils Absalon[5] ; c’est un fait qui a réellement eu lieu, et qui est consigné parce qu’il est arrivé ; et, quoique ce titre cache quelque mystère, il est néanmoins tiré de l’événement qui est réel. Je crois aussi que ce titre : « Lorsque David changea sa face devant Abimélech, qui le chassa, et il s’en alla », doit être aussi consigné dans les livres des Rois, qui ont recueilli tout ce qui tient aux actions de David[6]. Nous ne l’y trouvons pas néanmoins, mais nous y trouvons quelque histoire d’où il semble tiré[7]. Il est écrit, en effet, que David, fuyant les persécutions de Saül, se retira chez Achis, roi de Geth, c’est-à-dire chez le roi d’une nation limitrophe du royaume des Juifs. Il s’y tenait caché pour échapper à Saül son persécuteur. La mort de Goliath[8], qui, d’un seul coup, donna au roi et au peuple la gloire et la tranquillité dans le royaume, était récente encore, et avait valu à David la jalousie en échange d’un bienfait. Les défis de Goliath avaient exaspéré Saut ; la mort du géant le rendit ennemi de celui qui l’avait tué ; et il envia la gloire du jeune héros, surtout quand le peuple, dans son allégresse, et quand les femmes chantèrent en chœur la gloire de David, en disant : Saut en a tué mille et David dix mille[9]. Saül fut ému de voir qu’un seul combat acquérait à un enfant une gloire qui éclipsait la sienne, d’entendre surtout que toutes les bouches mettaient David au-dessus du roi, et, comme c’est l’ordinaire, le venin de l’envie, l’orgueil mondain le rendit jaloux et persécuteur, Ce fut alors, comme je l’ai dit, que David s’enfuit chez le roi de Geth nommé Achis[10]. Mais on fit connaître à ce roi qu’il tenait sous sa main ce même soldat qui s’était fait chez les Juifs un nom si grand et si populaire : « N’est. « ce point là », lui dit-on, « ce David que chutent les femmes d’Israël, en disant : Saül en a tué mille et David dix mille ? »[11]. Mais si cette gloire naissante avait été pour Saül un sujet de jalousie, il était à craindre aussi, pour David, que ce roi qui lui donnait asile, ne conçût le projet de se défaire de lui, comme d’un voisin qui pouvait devenir un ennemi, s’il le laissait échapper. David « craignit donc, au sujet d’Achis, et, comme il est écrit, il changea son visage devant ses serviteurs, il simulait la folie, il frappait sur un tambour à la porte de la ville, il se portait de ses mains, il heurtait du front le seuil de la porte, et l’écume de sa bouche coulait sur sa barbe »[12]. Le roi chez qui il se cachait, le vit en cet état, et il dit à ses gens : « Pourquoi m’avoir amené ce furieux ? entrera-t-il ainsi dans ma maison ? »[13] Ainsi il le renvoya eu le chassant ; et, sous le voile de cette folie, David s’échappa sain et sauf. Tel est le point d’histoire que paraît nous rappeler le titre du psaume : « Chant de David, quand il changea son visage en présence d’Abimélech, qui le chassa, et il s’en alla ». Mais ce roi était Achis et non Abimélech[14]. Le nom seul parait peu d’accord, car l’action est désignée en termes semblables dams les psaumes et dans le livre des Rois. Ce changement de nom doit nous stimuler à chercher un mystère. Car c’est un fait, à la vérité, mais qui n’est point arrivé sans cause : il y a donc là une figure,

  1. Mt. 7,7
  2. Lc. 11,8
  3. Ps. 33,1
  4. Id. 3,1
  5. 2 Sa. 15,14
  6. 1 Sa. 21,13
  7. Id. 10
  8. Id. 17,50
  9. 1 Sa. 18,7
  10. Id. 21,10
  11. Id. 11
  12. Id. 13
  13. Id. 14,15
  14. Id. 12