Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/328

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disait. Mais lui qui savait ce qu’il disait, prêchait par avance ses mystères, en contrefaisant son visage, en affectant la folie et le délire ; et il était dans des transports, et il frappait du tambour à la porte de la ville.
9. Mais voyons ce qu’il marquait en simulant sa folie, en frappant du tambour à la porte de la cité. Ce n’est pas sans raison qu’il est dit : « Il se heurtait contre le seuil de la porte » ; ni sans raison qu’il est écrit : « Sa salive découlait sur sa barbe »[1]. Rien de tout cela n’est dit sans raison ; et ce que l’on gagne à le comprendre doit nous faire supporter un discours un peu long. Vous savez, mes frères, que les Juifs, en présence de qui le Christ contrefit son visage, qu’il laissa aller, dont il se sépara, gardent aujourd’hui le repos. Si donc ceux qui ont perdu le Christ, qui les a quittés en se séparant d’eux, gardent sans profit ce repos du sabbat, pour nous, ce repos aura l’avantage de nous faire comprendre le Christ qui les a quittés pour venir à nous. Ce n’est donc point sans raison que tout cela est arrivé dans le délire de David, ni que l’on nous raconte qu’il avait des transports, qu’il frappait du tambour à la porte de la cité, qu’il se portait sur ses mains, qu’il heurtait contre le seuil de la porte, et que la salive coulait sur sa barbe. Affectabat, il avait des transports. Qu’est-ce qu’avoir des transports ? C’est être sous le poids d’un vif amour. Et pourquoi ce vif amour ? C’est pour compatir à nos infirmités ; aussi a-t-il voulu prendre notre chair, et en elle tuer la mort. Donc, nous prendre en pitié, c’est là ce que l’on peut appeler un transport d’amour. Aussi l’Apôtre a-t-il jeté le blâme sur ceux qui sont durs et sans affection. Car il reproche à quelques-uns d’être sans affection, sans miséricorde[2]. Donc, où il y a de l’affection, il y a de la miséricorde. Où est la miséricorde ? C’est que le Fils de Dieu nous a pris en pitié du haut du ciel ; et s’il n’eût point voulu s’anéantir, s’il fût demeuré dans cette forme divine qui le rend égal à son Père, nous serions demeurés éternellement sous l’empire de la mort : mais afin de nous délivrer de cette mort éternelle où l’orgueil nous avait conduits, il s’est humilié, il est devenu obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. Il a donc eu des transports pour arriver jusqu’à la mort de la croix. Mais on étend sur le bois celui que l’on crucifie ; et pour avoir un tambour on fait subir sur le bois une tension violente à la chair, c’est-à-dire à la peau ; et il est dit qu’il frappait sur un tambour, c’est-à-dire qu’il était cloué à la croix, horriblement étendu sur le bois. « Il avait des transports », oui, des transports d’amour pour nous, il voulait donner sa vie pour ses brebis[3]. « Il frappait du tambour ». Comment ? À la porte de la ville. C’est la porte que l’on nous ouvre pour notas faire croire en Dieu. Nous avions fermé ces portes au Christ, pour les ouvrir au diable, notre cœur était fermé à la vie éternelle : et parce que nous autres hommes, nous avions fermé notre cœur à la vie éternelle, et que nous ne pouvions voir le Verbe que voient les anges, le Seigneur notre Dieu s’ouvrait, par la croix, les cœurs des mortels, c’est ainsi qu’il frappait du tambour aux portes de la ville.
10. « Il se portait dans ses mains »[4]. Qui donc, mes frères, pourra comprendre que cela soit possible pour un homme ? Qui se porte dans ses mains ? Un homme peut être porté dans les mains d’un autre, jamais dans les siennes. Nous ne voyons donc pas que notas puissions l’entendre de David, dans te sens littéral ; mais nous le voyons pour le Christ. Car il se portait dans ses propres mains quand il nous présentait son corps en disant : « Ceci est mon corps »[5]. Il portait alors ne corps dans ses mains. C’est la profonde humilité de Notre-Seigneur qui est recommandée aux hommes. C’est elle qu’il nous exhorte à imiter et à faire paraître en notre vie, afin que nous renversions Goliath[6], et que, nous attachant à Jésus-Christ, nous puissions vaincra l’orgueil. « Il tombait contre les poteaux de la porte »[7]. Que signifie, il se laissait tomber ? Il s’abaissait jusqu’à la plus profonde humilité. Que sont « ces poteaux de la porte ? » C’est le commencement de cette foi qui doit nous sauver. Nul ne peut se sauver s’il ne commence par croire, ainsi qu’il est dit dans le Cantique des cantiques : « Tu viendras, et tu en passeras par le commencement de la foi »[8][9]. Nous devons aller-jusqu’à voir Dieu face à face, ainsi qu’il est écrit : « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu ; mais ce, que nous devons être un jour ne

  1. 1 Sa. 21,13
  2. Rom. 1,31
  3. Jn. 10,15
  4. 1 Sa. 21,13
  5. Mt. 26,26
  6. 1 Sa. 17,49
  7. Id. 21,13
  8. Cant. 4,8
  9. selon les LXX