Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/331

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C’est lui qui les donne, c’est lui qui les retire ; mais il ne se retire point de celui qui le bénit.
4. Quel est toutefois l’homme qui bénit le Seigneur en tout temps, sinon l’homme qui est humble de cœur ? Car c’est l’humilité que le Seigneur nous a enseignée dans son corps et dans son sang : s’il nous donne en effet son corps et son sang, il-nous prêche l’humilité, ainsi qu’il est écrit dans cette histoire, et dans cette espèce de fureur de David, dont nous avons parlé. « Et la salive coulait sur sa barbe »[1]. La lecture de [’Apôtre vous a expliqué la salive, mais elle coulait sur la barbe, Quelqu’un me dira : De quelle salive avons-nous entendu parler ? L’Apôtre qu’on vient de lire ne disait-il pas : « Les Juifs réclament des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse ? » Voilà ce qu’on a lu : « Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, (le voilà qui frappe du tambour), scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs ou Gentils, le Christ est la force ide Dieu, la sagesse de Dieu, car ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui paraît faiblesse en Dieu, est plus fort que les hommes »[2]. La salive était le symbole de la folie comme le symbole de la faiblesse. Mais la folie en Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse en Dieu plus forte que la force des hommes : que cette salive ne vous offusque point, mais faites attention qu’elle coule sur la barbe ; et si la salive est une marque d’infirmité, la barbe est un symbole de force. Le Christ a donc voilé sa force sous la faiblesse de la chair, et ce qui paraissait faiblesse en lui, était comme une salive, mais sa force était cachée à l’intérieur, comme sa barbe était souillée. Tout ceci nous prêche l’humilité. Sois donc humble, ô mon frère, si tu veux bénir le Seigneur en tout temps ; et que sa louange soit toujours en ta bouche. Car Job n’a pas seulement béni le Seigneur quand il regorgeait de ces biens, qui le rendaient, au dire de l’histoire, si heureux et si riche ; riche en troupeaux, en serviteurs, en palais, riche en postérité et en fautes choses. En un clin d’œil tout lui fut enlevé, et il vit ce que dit notre psaume, en s’écriant : « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté, comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait ; que le nom du Seigneur soit béni »[3]. Voilà un homme qui vous donne l’exemple et qui bénit le Seigneur en tout temps.
5. Mais pourquoi l’homme bénit-il le Seigneur en tout temps ? Parce qu’il est humble. Mais être humble, qu’est-ce donc ? C’est ne point rechercher la louange pour soi-même. Quiconque veut être loué pour lui-même, est orgueilleux. Mais où n’est point l’orgueil, là est l’humilité. Veux-tu donc n’être pas orgueilleux ? Afin de pouvoir être humble, dis ce qui suit : « Mon âme sera louée dans le Seigneur ; que ceux qui sont doux l’entendent, qu’ils partagent ma joie »[4]. Celui-là donc n’est pas doux, qui ne veut point être loué dans le Seigneur, mais il est opiniâtre, arrogant, enflé, superbe. Il faut au Seigneur une monture paisible, sois la monture du Seigneur, c’est-à-dire sois doux. Il s’assiéra sur toi, c’est lui qui veut te conduire ; ne crains pas de heurter ton pied ni de tomber dans l’abîme. Tu es infirme à la vérité, mais considère celui qui te dirige. Tu peux être le fils de l’ânesse, mais tu portes le Christ. Car ce fut sur le poulain de l’ânesse qu’il entra dans Jérusalem, et cet animal était doux. Or, était-ce l’animal que l’on chantait alors ? Était-ce à lui que l’on chantait : « Hosanna, fils de David, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ? »[5] C’était l’ânon qui portait, mais c’était au Christ, qu’il portait, que s’adressaient les acclamations de ceux qui précédaient et de ceux qui suivaient. Cet animal disait peut-être : « Mon âme sera louée dans le Seigneur ; que les hommes doux l’entendent, et en soient dans l’allégresse ». Non, mes frères, cet ânon n’a jamais parlé de la sorte, mais que tel soit le langage du peuple dont il est la figure, si ce peuple veut porter le Seigneur. Ce peuple s’irritera-t-il d’être comparé à l’ânon qui est la monture du Seigneur Jésus ? et quelques hommes pleins d’enflure et d’orgueil, s’en viendront dire : Voilà qu’il fait de nous des ânes. Eh bien qu’il devienne l’âne du Seigneur celui qui me parlera de la sorte, mais qu’il ne soit ni le cheval ni le mulet qui n’ont point d’intelligence. Vous connaissez le psaume qui dit : « Ne ressemblez ni au cheval ni au mulet, sans entendement »[6]. Le cheval et le mulet lèvent parfois la tête, et dans leur indocilité renversent leur cavalier. On les dompte avec le frein et

  1. 1 Sa. 21,13
  2. 1 Cor. 1,22-26
  3. Job. 1,21
  4. Ps. 33,3
  5. Mt. 21,9
  6. Ps. 31,9