Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/330

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sur quelques points, mes oreilles seront prêtes à les écouter au nom du Christ, mais en d’autres moments, afin de ne pas employer à cela celui-ci.
2. Il est écrit au livre des Rois, disions-nous hier, que David, fuyant Saül, voulut s’abriter chez un roi de Geth, nommé Achis[1]. Mais comme ses exploits y furent connus, craignant que la jalousie ne portât ce roi, chez qui il s’était réfugié, à tramer contre lui quelque mauvais dessein, il contrefit l’insensé, et comme saisi de fureur, « il changea son visage » ; et, comme il est écrit, « il était transporté, il battait du tambour à la porte de la ville, il était porté sur ses mains, il heurtait contre le seuil de la porte. Et le roi Achis dit : Pourquoi m’amener ce fou ? ai-je besoin d’un furieux ? » Et il le laissa aller, accomplissant ce qui est écrit : « Il contrefit son visage, et il le laissa, et il s’en alla ». Mais ce roi que David laissa, était Achis ; tandis que le titre du psaume porte : « Il contrefit son visage en présence d’Abimélech, et il le quitta et s’en alla ». Nous avons dit que ces changements de noms étaient symboliques, et que si le psaume répétait le même nom que l’histoire, nous aurions pu croire que le prophète racontait un fait, sans nous donner aucune prophétie figurative. Il y a donc une figure dans chacun des noms : car Achis veut dire : Comment est-ce ? et Abimélech : Le royaume de mon Père, il y a de l’ignorance à dire : Comment est-ce ? c’est le mot d’un homme qui admire et qui ne sait pas. Quant au nom d’Abimélech, il désigne le royaume des Juifs, que le Christ peut appeler royaume de mon père, parce que David est son père selon la chair, et que David régnait sur le peuple Juif. C’est donc devant le royaume de son père, qu’il « changea son visage, et il le quitta et s’en alla », parce que c’était là que l’on sacrifiait selon l’ordre d’Aaron, et qu’il a établi depuis le sacrifice de son corps et de son sang, qu’il a quitté la nation juive, et qu’il s’en est allé chez les Gentils, Que signifie : « Il avait des transports ? »[2] Il était transporté d’amour. Quel amour est comparable à la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, voyant notre infirmité, afin de nous délivrer de la mort éternelle, à subi lui-même la mort temporelle avec tant d’outrages et tant d’injures ? « Il frappait du tambour. » On ne fait un tambour qu’en étendant une peau sur du bois, et quand David frappait du tambour il figurait le Christ à la croix. « Il frappait du tambour à la porte de la cité ». Que seraient ces portes de la cité, sinon ces cœurs que nous avions fermés au Christ, et qu’il s’est ouverts par les coups de la croix ? « Il se portait sur ses mains ». Comment se portait-il sur ses mains ? Quand il nous donnait son corps même et son sang, il tenait en ses mains ce que savent les fidèles ; il se portait lui-même en quelque sorte, quand il disait : « Ceci est mon corps »[3]. « Il heurtait contre le seuil de la porte »[4], c’est-à-dire, il s’humiliait. Car c’est là s’abaisser jusqu’au seuil de notre foi. Le seuil de la porte est le commencement de cette foi, qui a été le commencement de l’Église, pour arriver à la claire vue de Dieu : croire ce que l’on ne voit pas, c’est mériter de jouir de Dieu face à face. Tel est – en peu de mots le titre du psaume. Écoutons maintenant les paroles de cet insensé qui frappe du tambour aux portes de la ville.
3. « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sera toujours en ma bouche »[5]. Ainsi dit le Christ, ainsi doit dire le chrétien ; puisque le chrétien est incorporé au Christ, et que le Christ ne s’est fait honnie qu’afin que l’homme pût devenir un ange. C’est lui, qui dit : « Je bénirai le Seigneur ». Quand le bénirai-je ? Quand il t’aura fait du bien. Sera-ce dans l’abondance terrestre ? Quand il y a profusion de froment, de vin, d’huile, d’or, d’argent, d’esclaves, de troupeaux ; lorsque cette santé mortelle demeure inaltérable et incorruptible, que tout ce qui naît dans tes domaines croît à souhait, qu’une mort prématurée n’enlève rien, que tout prospère dans ta maison, que tout tient de toutes parts, est-ce alors que tu béniras le Seigneur ? Non : mais en tout temps ; c’est-à-dire et dans ce moment, et lorsque cette prospérité, soit pour un temps, soit par l’ordre du Seigneur, sera troublée, que ces biens te seront enlevés qu’ils écloront plus rarement, qu’à peine éclos ils disparaîtront. Car voilà ce qui arrive, et ce qui amène la pauvreté, la disette, le labeur, la souffrance et la tentation. Mais toi, ô mon frère, qui as chanté : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sera toujours en ma bouche », bénis Dieu quand il te donne ces biens, bénis-le quand il te les enlève.

  1. 1 Sa. 21,10 ss
  2. Id. 13
  3. Mt. 26,26
  4. 1 Sa. 21,13
  5. Ps. 33,2