Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/357

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il leur répondit : « Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? »[1] Puis, ils ont ouvert leur bouche contre moi, et se sont écriés : « Crucifiez-le ! Crucifiez-le ! Ils ont dit : Courage, courage ! nos yeux ont vu ». Commencement de leurs insultes : « Courage, courage. – Christ, prophétise-nous ! » Lorsqu’ils consultent au sujet de la pièce de monnaie, leurs paroles n’étaient que mensonges ; ainsi, leurs louanges n’étaient qu’insultes. « Ils ont dit : « Courage, courage, nos yeux ont vu » – Quoi ? Des œuvres, vos prodiges. Il est le Christ. « S’il est le Christ, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui. Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même[2]. Nos yeux ont vu ». Il se vantait, il disait qu’il était le Fils de Dieu. Voilà tout ce qu’il en est ! Pour le Seigneur, il demeurait patiemment attaché à la croix ; il n’avait rien perdu de sa puissance, mais il manifestait sa patience. Descendre de la croix, était-ce chose bien difficile pour celui qui devait, bientôt après, sortir vivant du tombeau ? Non. Mais il aurait paru céder devant ceux qui l’insultaient, tandis qu’il lui était nécessaire de se montrer après sa résurrection à ses disciples, et non peint à ses ennemis, pour leur enseigner ce grand mystère ; car sa résurrection était le symbole d’une nouvelle vie, et cette vie nouvelle, on la manifeste aux yeux de ses amis, et non aux regards de ses ennemis.
12. « Vous avez vu, Seigneur, ne gardez pas le silence »[3]. Ces paroles : « Ne gardez pas le silence », veulent dire : « Jugez ». Au sujet du jugement, il est dit quelque part : « Je me suis tu : est-ce que je me tairai toujours ? »[4] quant au délai du jugement, il est dit au pécheur : « Tu as fait ces choses, et je me suis tu, tu as cru le mensonge : tu as cru que je serais semblable à toi »[5]. Est-ce qu’il garde le silence, celui qui parle par les prophètes, celui qui parle lui-même dans l’Évangile, celui qui parle par les évangélistes, celui qui parle par nous-mêmes, toutes les fois que nous disons la vérité ? Qu’est-ce donc à dire : Il se tait ? Il ne prononce pas son jugement, mais il ne cesse pas pour cela de nous imposer des préceptes et de nous instruire. Le prophète invoque en quelque façon et annonce d’avance ce jugement de Dieu : « Seigneur, vous m’avez vu, ne gardez pas le silence ». C’est-à-dire : Vous ne garderez pas le silence, il faut que vous rendiez votre jugement. En attendant l’heure de ce jugement, ne vous éloignez pas de moi ; vous m’en avez fait la promesse : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles »[6].
13. « Levez-vous, Seigneur, et appliquez-vous à me juger »[7]. Pourquoi te juger ? parce que tu es dans la tribulation ? Parce que les inquiétudes et les souffrances ne te laissent pas de repos ? Est-ce qu’une multitude de méchants n’éprouvent pas des tourments pareils ? Pourquoi te juger ? Es-tu juste par cela même que tu souffres ainsi ? Non. Mais, qu’est-ce à dire : « A me juger ? » Que lis-tu ensuite ? : « Appliquez-vous à me juger, Seigneur, mon Dieu ; appliquez-vous à ma cause ». Non pas à mes peines, mais à ma cause ; non parce que je souffre comme le larron, mais parce qu’en moi s’accomplit cette parole : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice »[8]. Voilà cette cause parfaitement définie. Les bons et les méchants ont à supporter des peines pareilles : ce qui constitue le martyre, ce n’est donc pas la souffrance ; c’en est le motif. Si les supplices faisaient les martyrs, toutes les mines en regorgeraient, toutes les chaînes serviraient à en conduire, la couronne serait accordée à tous ceux qui tombent sous le glaive. Il faut donc connaître le motif des souffrances. Aussi, que personne ne dise : Je souffre, donc je suis un juste. Celui qui a souffert le premier a souffert pour la justice ; c’est pourquoi il a ajouté cette condition essentielle : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice ». Il en est plusieurs qui deviennent persécuteurs pour la bonne cause, comme il en est qui souffrent persécution pour en soutenir une mauvaise. Si l’on ne pouvait devenir persécuteur à bon droit, le psalmiste n’aurait pas dit : « Je persécutais celui qui médisait secrètement de son prochain »[9]. De plus, mes frères, un père juste et bon ne persécute-t-il pas un fils libertin ? Il persécute, non pas l’homme, mais ses vices ; non pas son enfant, mais ce qui est venu s’y adjoindre. Le médecin, appelé pour soulager un malade, n’emploie-t-il pas souvent les instruments tranchants ? c’est contre la blessure et non point

  1. Mt. 22,16-18
  2. Mt. 26,68
  3. Ps. 34,22
  4. Isa. 42,14
  5. Ps. 49,21
  6. Mt. 28,20
  7. Ps. 34,23
  8. Mt. 5,10
  9. Ps. 100,5