Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/358

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contre l’homme ; il coupe, mais pour guérir : et, pourtant, quand il tranche dans le corps du patient, celui-ci souffre, il crie, il résiste ; et si, par hasard, la fièvre lui a fait perdre la raison, il va jusqu’à frapper le médecin : mais celui-ci continue à le soigner, il fait ce qu’il doit faire sans se tourmenter, en aucune façon, des malédictions et des injures qu’il en reçoit. N’éveille-t-on pas tous ceux qui tombent en léthargie, dans la crainte de voir leur profond sommeil aboutir à la mort ? Et par qui sont-ils éveillés, sinon par les enfants qu’ils ont été si heureux de mettre au inonde ? Nul ne mériterait le titre de fils dévoué, s’il ne faisait violence à son père en circonstance pareille. On éveille les gens tombés en léthargie, on garrotte les frénétiques, uniquement parce qu’on les aime. Que personne ne dise donc : Je souffre persécution. Il ne suffit pas de faire parade de ses maux, il faut en faire connaître le motif ; et si l’on ne peut démontrer que la cause en est juste, on doit être mis au nombre des méchants. Aussi, avec quel à-propos et quelles paroles pleines de justesse il s’est recommandé à Dieu ! « Seigneur, appliquez-vous à mon jugement », non à mes peines : « Seigneur, mon Dieu, appliquez-vous à ma cause ».
14. « Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice »[1] ; voilà bien ma cause : non selon ma peine, mais « selon ma justice, Seigneur mon « Dieu ». Que ce soit le motif de votre jugement.
15. « Que mes ennemis ne se réjouissent pas en triomphant de moi. Qu’ils ne disent point dans leurs cœurs : Courage, courage, réjouissons-nous » ; c’est-à-dire : nous avons fait ce que nous avons pu : nous l’avons tué nous nous sommes débarrassés de lui. « Qu’ils ne disent pas ». Montrez-leur qu’ils n’ont rien fait. « Qu’ils ne disent pas : Nous l’avons dévoré ». De là ces paroles des martyrs : « Si le Seigneur n’avait été avec nous, ils auraient pu nous absorber tout vivants »[2]. Qu’est-ce : Ils nous auraient absorbés ? ils nous auraient fait entrer dans leur corps. Car ce que tu absorbes, tu le fais entrer dans ton corps. Le monde veut t’absorber : absorbe-le loi-même : fais-le entrer dans ton corps : tue-le ; mange-le, suivant ce qui a été dit à Pierre : « Tue et mange »[3]. Tue en eux ce qu’ils sont, et fais-les ce que tu es : mais s’ils parviennent à te rendre impie, ils absorberont : ce n’est pas en te persécutant qu’ils t’absorberont ; c’est en te rendant semblable à eux. « Qu’ils ne disent pas : Nous l’avons dévoré ! » Dévore toi-même le corps des païens. Pourquoi le corps des païens ? Il veut te dévorer. Fais-lui ce qu’il veut te faire. Pourquoi Moïse fit-il réduire en poussière le veau d’airain, en jeta-t-il les cendres dans l’eau et donna-t-il cette eau en breuvage aux Israélites ? C’était peut-être pour leur faire absorber le corps des impies. « Que ceux qui témoignent être contents de mes maux rougissent et soient confondus : qu’ils soient couverts de confusion et de honte ! » Puissions-nous les absorber pleins de honte et de confusion ! Qu’ils soient confondus, qu’ils de viennent honteux, « ceux qui parlent orgueilleusement contre moi ».
16. Et maintenant, que dites-vous des membres dont vous êtes le chef ? « Qu’ils se réjouissent et soient transportés de bonheur, ceux qui veulent ma justice »[4], ceux qui se sont unis à mon corps, « et qu’ils disent sans cesse : « Que le Seigneur soit glorifié, ceux qui désirent la paix de son serviteur ; et ma langue publiera votre justice et vos louanges tout le jour ». Quel est celui dont la langue est capable de publier les louanges de Dieu pendant tout le jour ? Mon discours a été un peu trop long ; vous êtes fatigués. Quel est celui, qui peut louer Dieu tout le jour ? Si tu y consens, je vais t’indiquer un moyen de le faire. Fais bien tout ce que tu fais, et tu loues Dieu. Quand tu chantes un hymne, tu chantes les louanges de Dieu. Mais que peut faire ta langue, si ton cœur reste muet ? Ton hymne fini, tu t’arrêtes, puis tu te retires pour prendre ton repas. Ne t’enivre pas et tu loues Dieu. Tu traites une affaire : ne te rends coupable d’aucune fraude, et tu loues Dieu. Si tu cultive un champ, ne suscite de querelle à personne, et tu loues Dieu. Prépare-toi, par l’innocence de tes actions, à louer Dieu tout le jour. ==DISCOURS

  1. Ps. 34,24-26
  2. Id. 133,1-3
  3. Act. 10,13
  4. Ps. 34,27-28