Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/369

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imiter. Pourquoi dire que c’est par l’orgueil « que sont tombés ceux qui commettent l’iniquité ? » C’est que tout pécheur d’aujourd’hui est tombé par orgueil. C’est pourquoi Dieu, recommandant à l’Église la vigilance, dit au serpent : « Elle observera ta tête, et tu observeras son talon »[1]. Quand, heurté par le pied de l’orgueil, tu viens à chanceler, le serpent est aux aguets pour te faire tomber ; mais toi, observe bien sa tête : « Car l’orgueil est le commencement de tout péché[2]. – C’est l’écueil de tous ceux qui commettent l’iniquité : ils ont été poussés et n’ont pu se tenir debout ». Celui-là est le premier qui n’est point demeuré ferme dans la vérité, et ensuite ceux dont il entraîna l’expulsion du paradis[3]. Mais celui qui pousse l’humilité jusqu’à dire qu’il n’est pas digne de dénouer las cordons d’un soulier, celui-là n’a pas été ébranlé, au contraire il demeure ferme pour écouter l’Époux, pour s’épanouir à la voix de l’Époux[4], non à sa propre voix, de peur d’être heurté par le pied de l’orgueil, d’être ébranlé, de ne point tenir debout.
19. Nous voici au terme d’un psaume qui a pu causer un peu de fatigue et d’ennui à quelques-uns d’entre vous ; mais cet ennui est passé, et je me réjouis d’avoir exposé le psaume tout entier. Vers le milieu, j’avais eu la pensée de quitter, afin de ne pas vous surcharger ; mais j’ai cru que l’attention serait partagée, et que l’on écouterait moins bien la seconde partie, que si l’on parcourait le psaume tout entier. J’ai donc mieux aimé vous être un peu à charge, que de réserver quelque partie d’un discours imparfait. Demain encore il faut vous parler ; priez pour nous, afin que nous puissions le faire encore, et revenez-nous avec une soif ardente et des cœurs fervents.


PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME 36.

PREMIER SERMON[5], PRÊCHÉ A CARTHAGE, AINSI QUE LES DEUX SUIVANTS.

LE JUGEMENT

L’exposition du psaume commence après la lecture de l’Évangile sur le jugement dernier. Le jour du jugement nous est inconnu, parce que cette ignorance nous est utile pour nous utile pour nous porter à être toujours prêts. Dans les diverses conditions de la vie, l’un sera choisi pour ne ciel, l’autre laissé pour les flammes. Aujourd’hui les bons et les méchants sont mêlés indistinctement. Les bous espèrent en Dieu, et leur persévérance leur vaudra la gloire divine : soyons donc soumis à Dieu. Quant aux méchants, ils prospèrent, mais dans leurs voies seulement, au lieu que le juste souffre, mais dans les voies de Dieu, qui n’a promis en cette vie qu’un sort semblable à celui de Jésus-Christ. Le bonheur du méchant ne durera que cette vie d’ailleurs si courte, il n’y a pour lui d’autre place que celle de la paille dans la fournaise. Mais ne juste possédera la terre des vivants.


1. Le dernier jour qui doit venir avec ses terreurs, voilà ce que craignent d’entendre ceux qui ne cherchent point la sécurité dans une sainte vie, et qui veulent prolonger longtemps leurs désordres. C’est avec raison que Dieu nous a caché ce jour formidable, c’est ainsi que notre cœur soit toujours prêt et attende ce qui arrivera ; il est certain que ce jour viendra, bien qu’il ignore le moment ; car Notre-Seigneur Jésus-Christ, envoyé pour nous instruire, a dit que le Fils de l’homme lui-même ne connaît point ce jour[6], parce qu’il n’était point dans ses attributions de nous le faire connaître. Le Père, en effet, ne sait rien que le Fils ne sache également, puisque la science du Père est identique à sa sagesse, et que sa sagesse est son Fils, son Verbe. Mais

  1. Gen. 3,15
  2. Eccl. 10,15
  3. Gen. 3,23
  4. Jn. 1,27 ; 3,29
  5. Il ne faut pas oublier ici ce qui est raconté dans la vie de saint Fulgence, chap. III. Il avait résolu dans son âme de renoncer au monde, touché de la grâce en entendant saint Augustin exposer le psaume trente-sixième, il fit aussitôt connaître son vœu et prit l’habit monastique.
  6. Mc. 13,32