confier ton argent à ce banquier peu solvable, mais il en est un plus sûr, donne-le-lui : il a de vastes greniers où tes richesses ne se peuvent détériorer ; il est plus riche que tous les riches. Mais, me répondras-tu, comment oser m’adresser à un tel homme ? Et si lui-même t’y engage ? Eh bien ! reconnais-le enfin ; il n’est pas seulement un père de famille, mais il est encore ton maître. Je ne veux pas, dit-il, ô mon serviteur, que tu perdes ton argent, mais voici où tu dois le placer : pourquoi le mettre où tu pourrais le perdre, et si tu ne l’y perds, où tu ne peux toi-même demeurer toujours ? Il est un autre lieu où je dois t’appeler ; que ton bien t’y précède ; ne crains pas de le perdre. C’est moi qui te l’ai donné, c’est moi qui en serai le gardien. Voilà ce que te dit ton Seigneur : interroge ta foi, et vois si tu veux croire en lui. Tu me diras peut-être : Je regarde comme perdu ce que je ne vois pas ; c’est ici que je veux voir tout cela. Mais en voulant le voir ici-bas, d’abord tu ne l’y verras point, et tu n’auras rien là – haut. Tu as dans la terre je ne sais quels trésors cachés, et en marchant tu ne les portes pas avec toi. Tu viens entendre un sermon, pour amasser des richesses intérieures, et tu l’occupes des extérieures ; les as-tu donc apportées ici avec toi ? Tu ne les vois pas même à présent. Tu crois les avoir chez toi, parce que tu sais que tu les y a déposées ; sais-tu si tu ne les as pas perdues ? Combien sont rentrés chez eux sans y retrouver ce qu’ils y avaient entassé ! Voilà peut-être que la crainte saisit les cœurs des avares, et parce que j’ai dit que beaucoup n’avaient souvent point retrouvé en rentrant chez eux ce qu’ils y avaient laissé, chacun s’est dit dans son âme : A Dieu ne plaise ! ô Evêque, souhaitez-nous mieux, priez pour nous ; Dieu nous en garde ; à Dieu ne plaise qu’il en soit ainsi ; je crois que Dieu me fera trouver chez moi ce que j’y ai laissé. Tu crois en Dieu, dis-tu, mais ne crois-tu pas aussi à Dieu ? Je crois, en Jésus-Christ, que je retrouverai en sûreté chez moi ce que j’y ai laissé, que nul n’en approchera, que nul ne l’enlèvera. Tu veux avoir dans ta foi en Jésus-Christ une garantie contre les pertes de ta maison ; mais cette foi au Christ sera une garantie plus sûre encore, si tu mets tes richesses où il te conseille. Auras-tu donc de la confiance en ton serviteur et des doutes pour ton maître, de la confiance pour ta demeure, des doutes pour le ciel ? Mais, diras-tu, comment placer mon argent dans le ciel ? Je t’ai donné ce conseil, place-le où je te dis. Comment arrivera-t-il au ciel, je ne veux point que tu le saches. Place-le entre les mains des pauvres, donne-le aux – indigents, que t’importe la manière dont il parvienne au ciel ? Moi qui le reçois, ne saurai-je pas l’y envoyer ? As-tu donc oublié cette parole : « Ce que vous avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait[1] ? » Voilà quelqu’un de tes amis qui a des souterrains, des citernes ; et quand tu cherches des vaisseaux pour y conserver des liquides, soit du vin, soit de l’huile, et remiser ainsi tes récoltes pour les conserver, s’il venait te dire : Je te les conserverai ; mais s’il avait des canaux dérobés, des conduits, par lesquels s’épancherait secrètement ce que tu verserais à découvert, et qu’au moment où il dit : Verse là ce que tu as, tu visses bien que tel n’est pas l’endroit où tu croyais verser, tu hésiterais alors d’épancher tes liquides. Mais lui qui connaît les secrètes ouvertures qu’il a ménagées dans ses citernes, ne te dirait-il pas : Verse sans crainte, cela passera dans la citerne ; tu ne vois pas comment, mais compte sur moi qui ai fait ces routes ? Or, celui qui a fait toutes choses, nous a fait à tous des demeures : il veut que nous y fassions passer nos richesses, de peur que nous ne les perdions en terre. Mais quand tu les auras conservées sur cette terre, dis-moi, pour qui les amasses-tu ? Tu as des enfants ; comptes-en un de plus et donne une part au Christ. « Il thésaurise et ne sait pour qui sont ses trésors, il se trouble en vain ».
13. « Et maintenant ». Puisqu’il en est ainsi, s’écrie Idithun, qui considère certaines vanités, qui aperçoit certaines vérités, qui se trouve placé entre ce qui est au-dessus de lui et ce qui est au-dessous ; car il a au-dessous de lui ce qu’il a devancé, et au-dessus les objets où tendent ses efforts. « Et maintenant », s’écrie-t-il, que j’ai beaucoup laissé, que j’ai foulé aux pieds tant d’objets, que les choses du temps ne sont rien pour moi, je ne suis point encore parfait, je n’ai rien reçu encore. « C’est par l’espérance, en effet, que nous sommes sauvés. Or, l’espérance que l’on voit n’est plus l’espérance ; car, comment espérer ce que l’on voit ? Mais si nous espérons
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